Trop c'est trop ! Moins de six mois après l'assassinat de Chokri Belaïd, le meurtre de Mohamed Brahmi a fait l'effet d'un électrochoc. HorrifiéEs par ce nouvel assassinat politique et stimuléEs par l'éviction de Morsi, un nombre croissant de Tunisiens en ont déduit que c'était le moment ou jamais de se débarrasser du pouvoir en place.Le mandat de l'Assemblée nationale constituante a expiré depuis le 23 octobre 2012, et donc également la légitimité des institutions qui en procèdent (présidence de la République, gouvernement). Cette Assemblée avait été élue pour adopter une nouvelle Constitution, et celle-ci est toujours à l'état de brouillon.Un pouvoir illégitime et discréditéCe nouveau meurtre intervient dans un contexte catastrophique au niveau économique et social. Seul véritable acquis de la révolution à ce jour, les libertés démocratiques sont attaquées. Le ras-le-bol se développe contre le noyautage de l'appareil d’État par Ennahdha et les violences islamistes.Les diverses initiatives pour trouver un consensus entre toutes les forces politiques et sociales ont à ce jour échoué.L'enquête sur l'assassinat de Chokri Belaïd piétine. Le pouvoir refuse obstinément de dissoudre les milices (LPR) qui avaient notamment attaqué le siège de l'UGTT le 4 décembre. On assiste en ce moment à une nervosité croissante du pouvoir liée à la peur de tout perdre comme en Égypte.Le discrédit de l'Assemblée nationale est tel qu'au 29 juillet, 65 de ses 217 élus refusent de continuer à y siéger.
Mobilisations à la base et auto-organisationDès l'annonce de l'assassinat, des manifestations ont eu lieu à Tunis et en province. À Sfax, par exemple, la foule a envahi le siège du gouvernorat dont la grille principale a été défoncée. Dans la région de Sidi Bouzid, le siège du gouvernorat, des postes de police et des locaux d'Ennahdha ont été incendiés. Et l'appel de l'UGTT à la grève générale le vendredi 26 a été bien suivi.Dans les régions, on assiste à la réapparition de l'auto-organisation qui avait à peu près disparu depuis mars 2011. L'UGTT de Sidi Bouzid a par exemple décidé qu'une « coordination régionale de salut sera formée en tant qu’alternative révolutionnaire aux autorités régionales et locales actuelles ». Son rôle sera notamment de superviser l’activité des établissements administratifs et commodités publiques.« Face à l’échec du gouvernement de la troïka à gérer les affaires du pays à tous les niveaux, le Front populaire a décidé de mener des actes de désobéissance civile pacifique dans toutes les régions du pays et d’investir les sièges des délégations et des gouvernorats par l’organisation de sit-in ».
Vers la dissolution du gouvernement ?Après avoir recherché depuis plus d'un an un compromis avec le gouvernement, l'UGTT demande maintenant la dissolution de celui-ci. L'UGTT appelle à renforcer les mobilisations en cours, à commencer par les sit-in organisés dans les régions et devant l'Assemblée nationale constituante.L'UGTT revendique la mise en place d'un gouvernement dont les membres n'auraient pas de responsabilités dans les différents partis politiques. Sa mission serait notamment de prendre une série de mesures immédiates au niveau économique et social, ainsi que de lutter contre le développement du terrorisme, en commençant par la dissolution des milices d'Ennahdha (LPR).L'UGTT ne revendique par contre pas la dissolution de l'Assemblée nationale constituante.
Dominique Lerouge