Les dernières élections législatives ont exprimé le profond malaise qui règne à l’heure actuelle en Tunisie, et notamment l’érosion spectaculaire de la légitimité populaire de Kaïs Saied (KS), l’actuel Président de la République.
En 2019, Kaïs Saied est élu par 73 % des voix au deuxième tour (avec un taux de participation de 57 %). En juillet 2021, il décide de démettre le gouvernement, de dissoudre le Parlement, et d’administrer le pays à coups de décrets. Dans la foulée, il s’autoproclame « sauveur de la patrie », voulant la « purifier » des « corrompus » et des « traîtres ».
Les éphémères heures de gloire de Kaïs Saied
Ce coup de force est acclamé par une majorité de la population lassée par des querelles politiciennes interminables sur fond de dégradation généralisée de tous les indicateurs économiques et sociaux. Des sondages attribuent à Kaïs Saied des taux de popularité dépassant 80 %.
En 2022, il fait adopter par référendum une nouvelle Constitution lui octroyant des pouvoirs très étendus. Il promulgue une nouvelle loi électorale visant à mettre en place un nouveau Parlement, sans réels pouvoirs, sans reliefs ni colorations politiques.
Par ailleurs, son discours vilipendeur et dénonciateur, ainsi que l’absence d’un plan d’urgence économique et social, alimentent le marasme général.
Aucune amélioration des conditions de vie des classes populaires ne s’est produit, bien au contraire. L’heure est au désenchantement et à l’inquiétude. C’est dans cette ambiance que se sont déroulées les élections législatives du 17 décembre et du 29 janvier.
Neuf électeurEs sur dix ne sont pas allés voter ! C’est un désaveu criant, pour celui qui continue de se croire investi d’une mission quasi divine. Persistant dans le déni, il attribue ce nouvel échec aux erreurs du passé et à des « forces du mal » complotant contre « les intérêts du pays » et voulant affamer le peuple.
Une situation insoutenable
La Tunisie va de plus en plus mal. Les mauvaises conditions de vie, l’absence de perspectives d’avenir et, surtout, le mal-de-vivre, poussent des jeunes à quitter le pays par dizaines de milliers. Ce mouvement s’étend aujourd’hui à toutes les classes d’âge.
L’État est, plus que jamais, désarmé face à l’approfondissement de la crise. Le 27 janvier, Moody’s a dégradé la notation de la dette souveraine à un niveau assez bas. Pour parvenir à boucler son budget 2023, l’Etat devra emprunter 35 % de celui-ci. Une mission quasi impossible en raison du poids du service de la dette, ainsi que la forte demande sociale d’une population exsangue suite à plusieurs décennies de choix économiques désastreux, ainsi que du poids écrasant d’un État aussi corrompu qu’inefficace.
Presque tous les produits subventionnés ou sous monopole de l’État commencent à connaître de sérieux problèmes de pénurie, tels que le lait, l’huile, le café, la farine, les médicaments, l’essence, etc. L’État a de plus en plus de mal à payer les fournisseurs étrangers de ces produits.
Les oppositions politiques à Kaïs Saied sont faibles et déboussolées. Elles n’ont pas d’alternatives viables à proposer. La seule certitude c’est qu’en Tunisie tout fout le camp. De quoi sera fait demain ? Nul ne peut le dire.