Publié le Samedi 3 décembre 2011 à 20h08.

Tunisie. Les travailleurs de nouveau en lutte

Les intérimaires de la Compagnie des phosphates de Gafsa ont arrêté la production, les travailleurs du secteur pétrolier devaient se mettre en grève le 28 novembre. Les résultats des élections à l’Assemblée constituante tunisienne sont mauvais pour toutes celles et tous ceux qui militent pour l’émancipation. Car celle-ci ne viendra certainement pas d’une organisation réactionnaire (parti islamiste Ennahdha) dont des militants se sont lâchés avant même les résultats des élections, agressant des femmes, les harcelant et les menaçant. Une organisation dont le programme économique est dans la droite ligne des exigences du FMI.

Cette défaite électorale pour les révolutionnaires ne signifie cependant pas une stabilisation de la situation, n’en déplaise à tous ceux qui montrent du doigt ces pays arabes dont le soulèvement mènerait inéluctablement à l’islamisme ! Une telle vision oublie les travailleurs mobilisés, vigilants, déterminés à faire respecter leurs droits. Ils luttent depuis plus de neuf mois, se sont d’abord révoltés contre le chômage et la précarité, contre lesquels rien n’a été entrepris à ce jour. Ils savent que ce n’est pas Ennahdha, qui apparaîtra rapidement comme serviteur de l’ordre économique établi, qui va résoudre ces questions. En effet, Ghannouchi, chef de file d’Ennahdha, multiplie les déclarations – pour rassurer les capitalistes – en faveur de l’économie de marché, pour le paiement de la dette, mais rien pour les travailleurs et les chômeurs, rien pour les familles des victimes de la répression depuis fin décembre. Alors l’étincelle, encore une fois, est venue du bassin minier.

Le 17 octobre débute – dans un silence médiatique assourdissant – une grève des intérimaires de la Compagnie des phosphates de Gafsa, qui bloque totalement la production. Le 8 novembre, un groupe d’agents a repris le travail, ce qui a permis de relancer partiellement la production. Mais les sit-in des diplômés chômeurs – réclamant les résultats d’un concours de recrutement au Groupe chimique tunisien, dont fait partie la Compagnie des phosphates de Gafsa, concours passé en... mars 2011 – provoquent la réduction de moitié de la production et surtout l’arrêt de l’acheminement de phosphates par la SNCFT vers le port de Gabès. La proclamation des résultats, le 23 novembre, n’a rien arrangé... Ceux des villes de Mdhilla et Omm Larayess ont été rejetés par la population car les critères sociaux d’attribution des postes n’auraient finalement pas été pris en compte. Les manifestations et sit-in se sont multipliés depuis, et les affrontements avec les forces de l’ordre ont été violents. Les manifestants ont attaqué des symboles du pouvoir économique : siège de la Compagnie des phosphates, trésor public, etc. mais aussi des symboles du – nouveau – pouvoir politique, les sièges d’Ennahdha dans le bassin minier.

Cette situation tendue a amené le gouvernement à suspendre la proclamation de tous les autres résultats du concours ! La colère gagne tout le bassin, et plusieurs autres régions du pays se mobilisent. À Kasserine, c’est le mépris envers les familles des victimes de la répression depuis le début de la révolution qui a alimenté de nouveau la colère. À Tataouine, ce sont les travailleurs du secteur pétrolier qui devaient se mettre en grève à partir du 28 novembre. Et le couvre-feu décrété dans plusieurs régions, l’armée mobilisée pour harceler et terroriser les manifestants, n’entament en rien la motivation des travailleurs et de ces populations.

Face à cette situation, la principale réaction d’Ennahdha a été d’accuser les militants d’extrême gauche de semer le trouble dans la région pour empêcher le parti d’installer son pouvoir localement. Il a par ailleurs essentiellement pointé du doigt l’irresponsabilité des manifestants qui dégradent les biens publics. Entre les revendications populaires et les préoccupations de ce nouveau parti au pouvoir, le fossé est énorme : les seules propositions de loi d’Ennahdha à ce jour concernent… la légalisation de la polygamie et la modification des lois sur l’adoption !

Commission Maghreb du NPA