Publié le Jeudi 24 juillet 2014 à 20h37.

Ukraine : tambours de guerre dans l’est du pays

N’en déplaise aux conspirationnistes, avec leur arc de forces étrange allant de groupes stalino-nostalgiques jusqu’à l’extrême droite (1), il fait peu de doutes que le boeing malaisien MH 17 a été abattu par une unité militaire de l’autoproclamée Novorossiya (« Nouvelle Russie »), déclarée le 22 mai dernier en tant qu’« union des républiques populaires de Donetsk et de Louhansk ».

Des éléments concordants rendent très plausible l’hypothèse selon laquelle les servants de l’une des batteries de missiles sol-air livrées par le gouvernement de Poutine ont confondu ce vol civil avec celui d’un avion militaire ukrainien. Ces 300 victimes innocentes, un nombre presque équivalent à l’ensemble des morts provoquées jusqu’à présent par la guerre dans l’est ukrainien, sont cependant tombées à pic pour le gouvernement pro-UE et pro-US de l’oligarque Porochenko. Celui-ci en a en effet profité pour relancer son offensive embourbée depuis des mois, malgré quelques succès partiels comme la reprise le 5 juillet de la ville de Slaviansk et de localités de moindre importance.

Deux camps réactionnairesL’« opération antiterroriste » (c’est le nom donné par les autorités de Kiev à leur opération militaire) a en effet rencontré jusqu’à présent nombre de difficultés. L’armée ukrainienne, celle d’un État en crise chronique et profonde depuis de nombreuses années, est en effet en piteux état. Alors que de l’autre côté, les partisans de la « Nouvelle Russie » bénéficient d’un soutien militaire et logistique fort de leur maison-mère, de ce point de vue bien plus performante. Après la destruction du vol MH 17, Poutine se retrouve cependant sur la défensive, avec des marges de manœuvre politiques et diplomatiques réduites. Il n’y a rien de progressiste d’un côté ou de l’autre de la confrontation en cours. Ne représentant qu’une petite partie des populations russophones de l’Ukraine, les régions de Donetsk et Louhansk se trouvent aujourd’hui sous la coupe d’affairistes et de politiciens issus de l’ancien régime stalinien, qui entendent défendre bec et ongles leurs intérêts étroitement liés à ceux à ceux du néocapitalisme russe. Comme l’écrivait début mai un militant anarchiste de Donetsk, « les événements dans notre région peuvent être décrits comme un putsch gangstéro-policier, enveloppé dans un emballage "populaire". L’aile violente est composée d’anciens et actuels employés du ministère de l’Intérieur [MVD], d’anciens soldats, de parachutistes et de spécialistes militaires, avec le soutien de criminels plus ou moins grands et d’éléments marginaux au chômage. » (2) L’autre côté est celui d’un gouvernement oligarchique qui, à travers ses accords avec l’Union européenne et le FMI, s’est engagé à appliquer des recettes néolibérales qui aggraveront sensiblement les différenciations sociales et la misère pour la majorité de la population. Dans les deux camps prédomine une idéologie nationaliste, de part et d’autre des réactionnaires ont la main et des fascistes sont actifs. Quant aux populations, elles restent dans leur grande majorité passives face à un affrontement qui les dépassent mais dont elles sont les principales victimes.

Arrêter la guerre, permettre l’autodéterminationComme nos camarades de l’organisation ukrainienne « Opposition de gauche » l’ont écrit dans une déclaration le 15 juin, « il est impératif de stopper les affrontements armés avant tout type de discussion politique sur le futur ordre constitutionnel en Ukraine (…) Des négociations sur un cessez-le-feu et la libération des otages (les populations de villes entières sont aujourd’hui prises en otage) et la création de corridors humanitaires devraient être engagées immédiatement sur le terrain par les commandants militaires. » « Aucune discussion politique » n’est cependant possible avec les paramilitaires venus de Russie, « les questions concernant l’organisation future de l’État et la formation de nouveaux pouvoirs publics représentatifs ne pouvant être discutées qu’avec les représentants des communautés locales. » Dans cette voie, il faut dès maintenant exiger du gouvernement ukrainien, en même temps que l’arrêt de toutes ses opérations armées, le respect du droit à l’autonomie linguistique et culturelle des populations de l’est.

Jean-Philippe Divès1 – Ainsi voit-on la presse et le site du FN relayer systématiquement la propagande des séparatistes contre la « junte libéralo-fasciste » de Kiev soutenue par Washington et les eurocrates de l’UE… 2 – Témoignage publié sur le site britannique People and Nature, http ://peopleandnature.wordpress.com/2014/07/20/a-gangster-police-putsch-presented-in-peoples-wrapping/#more-990