Publié le Vendredi 31 juillet 2009 à 13h38.

Un premier résultat de l’audit de la dette par l’Equateur (par Maria Lucia Fattorelli, Rodrigo Vieira de Ávila)

L’Equateur vient de divulguer, le 11 juin dernier, le résultat final de la décision souveraine d’annuler une grande partie de sa dette publique représentée par les « Bonos Global 2030 et 2012 », qui correspondaient à près de 85% de la dette externe commerciale de l’Equateur, c’est-à-dire la partie de la dette externe envers les banques privées internationales qui sont, « curieusement », les banques états-uniennes responsables de la crise financière mondiale actuelle.

Pas moins de 91% des détenteurs de ces bons ont accepté la proposition équatorienne de reconnaître tout au plus 30 à 35% de sa valeur nominale, vu les flagrantes irrégularités et illégitimités de cette partie de la dette externe envers les banques privées. Ces irrégularités et illégitimités ont été soulignées dans le rapport présenté par la Sous Commission de la dette Commerciale de la CAIC - Commission pour l’Audit Intégral de la dette publique de l’Equateur créée par le décret Exécutif n° 472/2007 – aux travaux de laquelle nous avons eu l’honneur de participer.

La décision de réduire unilatéralement de plus de 65% le stock de cette dette externe commerciale - près de 2 milliards US$ - représente un précédent historique et un exemple fort pour le monde entier, car cela montre qu’il est possible pour les gouvernements d’affronter la question de la dette de manière souveraine, surtout en temps de crise, lorsque de tels problèmes s’accentuent. De plus, il faut souligner que l’audit réalisé en Equateur a démontré de nombreuses similitudes entre le processus d’endettement commercial de ce pays et celui des autres pays latino-américains, ce qui devrait encourager tous les pays à entreprendre également des audits pour enquêter sur leurs propres processus d’endettement.

Sans l’ombre d’un doute, la décision équatorienne représente une grande menace pour le capital financier mondial - ce qui explique qu’elle n’aie pas reçu l’écho mérité dans les grands médias. C’est surtout dû au fait qu’elle est basée sur le rapport technique d’un audit qui a démontré que l’Equateur avait été victime d’un véritable tour de passe-passe de la part des banques privées internationales, n’ayant même pas bénéficié, au long des années, du produit de ces prêts historiquement gérés par ces banques.

Certains médias économiques internationaux ont commenté l’offre équatorienne de manière déformée, cherchant à déconsidérer les dernières décisions du gouvernement sur la dette commerciale. Néanmoins, de telles informations ne reflètent que les opinions de leurs auteurs |1.| , notícia esta reproduzida por grandes jornais brasileiros ), The Wall Street Journal (http://online.wsj.com/ar… ), e Financial Times (http://www.ft.com/cms/s/…) , tandis que la décision équatorienne se trouve dûment basée sur des documents et des preuves qui sous-tendent le rapport de l’audit réalisé par la CAIC.

L’attitude équatorienne renforce la lutte contre l’endettement irresponsable dans le monde entier et interroge les politiques des autres pays qui persistent à payer une dette qui n’ a pas été auditée, comme le Brésil, dont la Constitution Fédérale prévoit la réalisation de cet audit toujours non réalisé aujourd’hui.

La décision adoptée par le Président Rafael Correa a prouvé que l’audit a servi d’instrument efficace pour recouvrer la souveraineté face à la question de la dette, instrument étayé par des documents et arguments nécessaires pour inverser le rapport de force face aux prêteurs. D’ici peu nous connaîtrons les bénéfices qui auront été générés pour le pays : ils représenteront une économie équivalente à plus de 7 milliards de US$ jusqu’en 2030 – correspondant au prêt et aux intérêts qui ne seront plus payés – lesquels seront certainement investis dans des dépenses sociales |2.|.

Le siècle dernier, le Brésil a pris des mesures semblables, lorsque Getúlio Vargas, en 1931, a entrepris la réalisation d’un audit de la dette extérieure brésilienne, qui a révélé que seulement 40% de la dette était documentée par des contrats, parmi d’autres aspects graves tels que l’absence de comptabilisation et de contrôle des envois vers l’extérieur. L’audit a permis, à l’époque, de réaliser une grande réduction tant du stock de la dette que du flux des paiements, ouvrant la voie à la création de droits sociaux.

Il est nécessaire de reprendre ce processus historique, à la lumière de l’honorable exemple équatorien, et d’appliquer la Constitution Fédérale en vigueur dans notre pays. Aujourd’hui, si le Brésil prenait des mesures similaires à celles de l’Equateur, réduisant unilatéralement de 65% sa dette “interne” qui atteint déjà le niveau de 1,6 TRILLON R$ (soit 1.600 milliards R$), celle-ci chuterait à 560 milliards R$, ce qui génèrerait déjà un soulagement de près de 200 milliards R$ dans le payement annuel des intérêts et amortissements. Cette somme pourrait se convertir en investissements pour les droits humains de millions de Brésiliens sans emploi, sans accès aux services de base pour les soins de santé, sans éducation, sans assistance, sans abris, sans terre, bref sans dignité de vie, tandis que des milliards sont destinés au payement des intérêts faramineux d’une dette dont on ne connait même pas la contrepartie.

Notes

|1.| The Economist http://www.economist.com/world/amer...

|2.| Correa defend l’Equateur exempt de la "dette externe illégitime" G1 - 11/06/09 - 22h45 De EFE Quito, 11 juin (EFE) – Le Président équatorien Rafael Correa, après avoir été informé du succès de l’opération de rachat des Bons Global 2012 et 2030, a annoncé aujourd’hui qu’il prévoyait de transformer l’Equateur en un pays libéré de sa dette externe illégitime. Lors d’une allocution publique, au cours de laquelle la ministre de l’Economie, María Elsa Viteri, a annoncé la réussite du rachat de 91% des Bons Global 2012 et 2030, avec une réduction de 65% de la valeur nominale, Correa a affirmé que le plus grand cadeau qu’il pourrait offrir aux générations futures serait un pays exempt de dettes néfastes. En avril, l’Equateur a fait une proposition pour racheter ce type de bons, pour 3.1 milliards de US$, avec une réduction de 70%. Auparavant, le pays avait déclaré un moratoire sur le payement des intérêts de ces titres, soupçonnés de contrats ou de renégociations illégales. Correa a souligné que le Gouvernement, depuis le début de son mandat en janvier 2007, s’est engagé à apporter une solution intégrale au problème de la dette extérieure publique ; qu’il a qualifiée de “carcan” pour l’économie nationale. Ce qu’il souhaite, c’est “déclarer l’Equateur libéré d’une dette commerciale externe illégitime”, a affirmé Correa, et il a aussi affirmé que cela pourrait être également “transcendantal pour la région”. Correa a reconnu que la façon dont il a administré la dette externe peut être critiquée par les politiques, les économistes et les organismes internationaux néolibéraux. Au sujet du système de rachat des bons Global 2012 et 2030, le président a affirmé que l’Equateur a payé près de 900 millions de US$ mais que 2,9 milliards de US$ de titres ont été retirés des marchés internationaux. Au total, a-t-il ajouté, cette opération a permis à l’Equateur d’économiser 7,28 milliards de US$ pour les 21 prochaines années, ce qui signifie plus de 330 millions US$ annuels ou 30 millions US$ mensuels. « Nous nous sommes révoltés contre un système qui impose des dettes odieuses, injustes, illégales, immorales, contractées de manière irrégulière, sans le consentement explicite de notre peuple », a affirmé le président. EFE

Maria Lucia Fattorelli a été membre de la Sous Commission de la dette Commerciale de la CAIC équatorienne, nommée par le Décret Exécutif n° 472/2007 Rodrigo Ávila est économiste et à ce titre a été collaborateur invité de la CAIC Les deux sont membres de la Coordination brésilienne pour l’Audit Citoyen de la dette

Site du CADTM : www.cadtm.org