Daniel Noboa, le candidat de droite, a remporté dimanche 15 octobre, le 2e tour des élections présidentielles en Équateur, avec 52,1 % des voix face à Luiza Gonzalez (47,9 % de voix), la candidate soutenue par le Mouvement de la Révolution citoyenne de l’ex-président Rafael Correa (2007-2017). Le vote est obligatoire et a compté 82 % de votantEs et 7 % de blancs et de nuls.
Le mandat prévu de Noboa sera de 17 mois et devrait donc finir en mai 2025, lors de nouvelles élections générales présidentielles et législatives. Ces élections anticipées ont été convoquées par le président en exercice, le banquier Guillermo Lasso (2021-2023) grâce à un dispositif constitutionnel afin d’éviter le processus de destitution pour corruption que l’Assemblée nationale avait engagé à son encontre.
Continuité du projet néolibéral
Cette victoire de D. Noboa ouvre la perspective d’une continuité aggravée du projet néolibéral engagé par les deux présidents précédents (Lénin Moreno, 2017-2021) et G. Lasso, au service d’un modèle économique extractiviste, exportateur de matières premières. Le jeune multimillionnaire Daniel Noboa, diplômé d’universités américaines, est d’ailleurs l’héritier d’un empire de plantations bananières, principal produit d’exportation de l’Équateur après le pétrole.
C’est bien la remise en question de ce modèle qui a été posée lors des deux grands soulèvements en octobre 2019, puis en juin 2022. Face aux contre-réformes néolibérales des précédents gouvernements, les populations des communautés indigènes se sont massivement soulevées, et leur organisation, la Conaie (Confédération nationale des nationalités indigènes de l’Équateur) y a joué un rôle centralisateur déterminant. Elles ont réussi à agglutiner dans la lutte une grande partie des couches populaires des villes et des campagnes et à dresser une plateforme revendicative commune face à laquelle les deux gouvernements ont dû partiellement céder.
Luttes sociales et alternative politique
Force est de constater qu’il n’y a pas d’automatisme entre les luttes sociales, si radicales et auto-organisées soient-elles, et la construction d’une telle alternative politique, capable de s’ancrer dans les consciences. Les mouvements sociaux — féministe, écologiste, syndical, indigène — engagés dans ces luttes n’ont pas encore été en mesure de s’unir autour d’une proposition alternative, indépendante du système capitaliste, qui aurait pu trouver une expression lors des élections d’août et octobre 2023. Cela a pesé sur le processus électoral. Le bras politique de la Conaie, le parti Pachakutik dont les résultats électoraux ont beaucoup baissé, s’est révélé trop divisé pour pouvoir présenter une candidature alternative.
Certes, un climat très lourd a pesé, en particulier à partir de l’assassinat du candidat F. Villavicencio, dont le programme était centré contre la corruption, le narcotrafic et l’insécurité, quelques jours avant le premier tour des élections. Ce thème de l’insécurité a envahi l’espace et les préoccupations, favorisant les raidissements et postures conservatrices. Pourtant, face à la menace chaotique que font peser les mafias de la drogue, partie intégrante du capital financier, disposant, face à un État en plein dysfonctionnement néolibéral, de milices privées fortement armées, que la misère accumulée dans les bidonvilles de Guayaquil, Quito et autres villes alimente en permanence, seule une alternative rompant avec la décomposition du système est en mesure d’en finir à la racine.
Le vote national du 20 août 2023 en faveur de la préservation du Parc Yasuni (Amazone) qui par plus de 59 % des suffrages a décidé de laisser le pétrole sous terre est un résultat important qui pose la perspective d’un changement de modèle économique et qui a une grande résonance internationale. De même que la consultation dans le district de Quito qui, par plus de 68 % des voix, interdit l’exploitation des mines de métaux dans la région andine du Chocò. La solidarité internationale doit être construite pour que ces votes populaires soient respectés.