Le petit David peut-il battre Goliath ? Telle est la question à Bessemer, en Alabama, où 5800 employéEs des entrepôts voteront ce mois-ci pour savoir s’ils veulent ou non un syndicat dans l’implantation locale d’Amazon. S’ils votent pour se syndiquer, ce sera la première campagne syndicale réussie chez Amazon aux États-Unis.
Pour le syndicat, ce vote sera un véritable défi, car les taux de syndicalisation sont faibles dans le Sud et que seulement 8 % des travailleurEs de l’Alabama sont couverts par un syndicat.
Ventes en nette augmentation
Le commerce électronique, Amazon Prime Video et les supermarchés Whole Foods ont rendu l’entreprise extrêmement riche, puissante et influente. Tirées en grande partie par la pandémie, les ventes nettes d’Amazon en 2020 ont augmenté de 38 %, à 386,1 milliards de dollars et Jeff Bezos, fondateur et PDG de la société, a une fortune évaluée à 190 milliards de dollars.
La pandémie a conduit des millions de personnes au cours de cette dernière année à commander des vêtements et des articles ménagers via Amazon, à acheter de la nourriture livrée par Whole Foods et à rester à la maison et à regarder des films sur Amazon Prime. Pour répondre à cette demande, l’entreprise a embauché 427 300 employéEs au cours de la période allant de janvier à octobre, portant ses effectifs mondiaux à 1,2 million. Ces nouveaux et nouvelles travailleurEs – 1 400 par jour – représentaient une augmentation de 50 % de ses effectifs. En outre, Amazon emploie 500 000 employéEs « contractuels » (forme de CDD auxquels l’employeur est dispensé de fournir des droits sociaux – NDLR) supplémentaires.
Débat national
Aux États-Unis, les travailleurEs peuvent obtenir la reconnaissance de leur syndicat grâce à une élection organisée par le National Labour Relations Board (Bureau des relations du travail). Premièrement, le syndicat, en l’occurrence le Syndicat de la vente au détail de la vente en gros et des grands magasins (RWDSU), a dû prouver l’intérêt des travailleurEs, ce qu’il a fait en persuadant 2 000 travailleurEs de signer des cartes disant qu’ils voulaient une élection. Désormais, les travailleurEs votent, un processus qui se poursuivra jusqu’à la fin du mois de mars. Pendant ce temps, les organisateurs syndicaux distribuent de la documentation à l’usine tandis que l’entreprise tient des réunions avec les travailleurEs où elle leur dit que le syndicat leur coûtera trop d’argent en cotisations.
La campagne syndicale chez Amazon a attiré l’attention nationale. Le président Biden a publié une vidéo dans laquelle il a exprimé sa solidarité avec les travailleurEs, disant : « Il ne devrait y avoir ni intimidation, ni coercition, ni menaces, ni propagande antisyndicale. » L’acteur Danny Glover a visité les piquets syndicaux autour de l’entreprise pour montrer sa solidarité et offrir des encouragements.
Les employéEs d’Amazon dans l’entrepôt – qui doivent scanner jusqu’à 300 articles par heure – gagnent 15 dollars de l’heure, plus qu’ils et elles ne gagneraient dans le commerce de détail, mais moins que la plupart des employéEs d’entrepôt. Les travailleurEs reçoivent également des prestations de santé et des régimes de retraite, bien que la rotation rapide de la main-d’œuvre signifie que beaucoup ne percevront jamais de telles prestations. Les travailleurEs d’Amazon se plaignent de problèmes musculo-squelettiques dus à des mouvements répétitifs ainsi qu’à des kilomètres de marche sur des sols en béton.
Des difficultés
Au cours des dernières années, deux groupes différents ont organisé les travailleurEs d’Amazon. L’un est une coalition de syndicats et de groupes noirs et latinos appelée Amazonians United, et un autre, appelé Athena, est composé de travailleurEs, de communautés et de consommateurEs. Ils ont organisé quelques petits débrayages dans divers États. RWDSU, le syndicat qui organise l’entrepôt Amazon à Bessemer, représente les travailleurEs de la vente au détail chez Macy’s et Bloomingdale’s et fait partie du Syndicat des travailleurs unis de l’alimentation et du commerce, qui a réussi à organiser des usines de volaille dans la région. Les préoccupations des travailleurEs concernant la santé pendant la crise du Covid ont contribué à alimenter cette campagne syndicale chez Amazon.
Amazon est la dernière d’une série de campagnes de syndicalisation de haut niveau et à enjeux élevés dans les usines automobiles et dans les magasins Walmart. Ces campagnes ont échoué en grande partie pour trois raisons. Premièrement, le Sud, autrefois le foyer de l’esclavage et de Jim Crow, reste une région largement sans syndicats et à bas salaires. Deuxièmement, dans le Sud, le Parti républicain, antisyndical, domine le gouvernement à tous les niveaux. Troisièmement, de nombreux travailleurEs ont été endoctrinés au fil des ans par les idées de droite, y compris l’opposition aux syndicats. Si le syndicat veut gagner cette fois, les travailleurEs devront surmonter tout cela dans la lutte pour la dignité. Ils le peuvent, mais ce ne sera pas facile.
Traduction Henri Wilno