Il y a au moins deux faits qui ressortent des élections du 4 novembre. D’un côté, les Républicains ont gagné la majorité des deux chambres du Congrès. De l’autre, les forces de gauche ont enregistré des scores inhabituels.
Ces élections sont baptisées « mid-term », en référence au fait qu’elles se tiennent à mi-mandat, entre deux élections présidentielles qui ont lieu tous les quatre ans. Devaient être réélus les cinquante gouverneurs (chef de chaque État), une partie des députés de la chambre des députés (435 élus tous les deux ans, chaque État disposant d’un nombre de députés calculés en fonction de la population de l’État) et une partie des sénateurs (2 par État, donc 100 élus tous les six ans).
Les Républicains profitent de la sanction des DémocratesHabituellement, ces élections sont défavorables au parti qui est à la Maison Blanche. Comme prévu, les Républicains ont donc gagné le contrôle du Sénat auparavant tenu par les Démocrates. Ils contrôlent désormais les deux chambres des députés (« House of Representatives ») et le Sénat. Cela va donc sensiblement réduire la marge de manœuvre d’Obama d’ici la fin de son mandat, qui se termine en 2016.Bien que les Républicains aiment dire que ces élections leur donnent un mandat populaire pour imposer leur politique contre celle d’Obama, les commentateurs politiques s’appuient sur les sondages pour avancer une autre analyse : ces élections favorisent le parti qui n’est pas au pouvoir.Les sondages divers s’accordent aussi sur le fait qu’il y a une grande désaffection vis-à-vis des deux partis et que les jeunes ont manifesté leur rejet par une très forte abstention. Les conséquences pour les classes populaires sont limitées. Vu la dérive droitière d’Obama et des Démocrates, la nouvelle situation d’une Maison Blanche démocrate et d’un Congrès républicain n’aura pas grand effet, d’autant que la majorité républicaine n’est pas assez forte pour contrecarrer le droit de veto d’Obama en cas de désaccords.Par contre, la réélection du gouverneur Scott Walker dans le Wisconsin, architecte de la loi de 2011 qui a éliminé le droit de négociation collective pour les salariéEs de la fonction publique, ainsi que le renforcement de sa majorité parlementaire en Wisconsin, pourraient ouvrir la voie à un autre cycle de lois anti-syndicales et sociales.
Des scores encourageants pour la gaucheDans le même temps, des candidatEs de gauche [ici, gauche radicale ou extrême gauche NDLR] ont enregistré des scores impressionnants. Ainsi, Howie Hakwins, candidat du parti vert mais aussi membre du groupe socialiste révolutionnaire Solidarité, organisation sœur du NPA, a eu plus de 5 % des suffrages contre l’actuel gouverneur de l’État de New York, Mario Cuomo, et le candidat républicain.Le meilleur score pour un candidatE de gauche lors de ces élections a été celui d’Angela Walker, une militante indépendante, syndicaliste – elle est conductrice de bus –, qui s’est présentée pour le poste de Shérif dans le comté de Milwaukee (recouvrant la ville de Milwaukee et une partie de sa banlieue). Walker est une socialiste de gauche sans étiquette de parti. Elle s’est présentée contre David Clarke, un démocrate (surtout pour récupérer cyniquement les voix de la communauté noire...) qui se comporte comme un républicain d’extrême droite. Avec une campagne d’idée animée par une force militante très réduite, elle a obtenu 20 % ! Les militantEs locaux de Solidarité étaient très impliqués dans sa campagne, au cours de laquelle elle a dénoncé la brutalité raciste policière, les rafles contre les immigréEs sans papiers, surtout latinos, et « le complexe industriel de la prison » : dans le Wisconsin, un noir sur deux est en prison ou y a été...). Sa campagne s’est appuyée sur une alliance avec celle de Ron Hardy, candidat vert pour le poste de trésorier de l’État de Wisconsin, qui a lui obtenu 3 % des voix. Les deux ont exigé la légalisation de marijuana et un salaire minimum de 15 dollars de l’heure.On pourrait aussi parler de la victoire des candidatEs aux municipales de Richmond en Californie, qui ont battu une liste financée par la grande société d’énergie qui cherche à dominer la ville et à étouffer toute critique de ses activités polluantes. Ces résultats pour des candidats de gauche suivent l’élection de Kshama Sawant, militante du groupe socialiste révolutionnaire Socialist Alternativ qui est devenue conseillère municipale à Seattle il y a quelques mois.L’ensemble de ces scores représentent un grand pas en avant contre la domination des deux partis du capital, pour l’indépendance politique de la classe ouvrière et des communautés opprimées.
De Milwaukee, Keith Mann