Publié le Jeudi 19 mai 2016 à 10h46.

USA : Du « Jamais Trump » à Trump candidat…

Donald Trump n’a plus d’adversaire dans la course à l’investiture républicaine pour la Maison-Blanche. Tous ses rivaux se sont retirés...

Bien qu’il n’ait pas encore atteint la majorité de 1 237 déléguéEs requise pour l’investiture, plus rien ne s’oppose à ce qu’il soit le candidat du Great Old Party... Une perspective qui semblait, il y a encore quelque mois, bien peu probable.

L’establishment se plie

Le président du Comité national républicain, Reince Priebus, a tout de suite pris acte de sa victoire en déclarant : « Nous devons tous nous unir et nous focaliser pour battre Hillary Clinton ». « Nous allons unifier le parti, nous allons rassembler les gens », a répondu Trump à ceux qui n’ont cessé de le combattre.

Il a commencé à chercher un colistier pour être candidat au poste de vice-président. « Ce sera probablement quelqu’un avec une expérience politique. [...] J’aimerais que ce soit quelqu’un qui soit capable d’interagir avec le Sénat, avec le Congrès, pour faire voter des lois ». Son choix sera probablement l’occasion de sceller le pacte avec l’establishment du parti.Il y a tout lieu de penser que Trump est en train de réaliser ce que le Tea Party n’avait pas réussi : transformer le Parti républicain en un parti populiste réactionnaire ouvertement raciste susceptible de capter les frustrations d’une fraction de l’électorat populaire, des abstentionnistes, en flattant les préjugés anti-immigrés pour dévoyer la colère et le mécontentement.

« Flexible »

Sur le fond, l’essentiel de son programme « America first » convient parfaitement aux Républicains, dont les 14 autres postulants éliminés n’ont pas été en reste dans les surenchères réactionnaires. « Restaurer la grandeur des États-Unis », prétend Trump tout en prônant une forme d’isolationnisme, cela laisse de larges marges de manœuvre. Trump se dit être « totalement flexible sur beaucoup, beaucoup de sujets ».

En bon démagogue, il dit tout et son contraire. Sur le salaire minimum horaire, il tergiverse, disant ce qu’il faut pour plaire aux travailleurs les plus mal payés... sans heurter les patrons. Il qualifie les Mexicains de « criminels » et de « voleurs », promet d’ériger un mur aux frontières des États-Unis et du Mexique (ce qui existe déjà en partie), de déporter les millions de sans-papiers, d’interdire l’entrée du pays aux musulmans, mais, aussitôt après avoir semé son venin, il module ses absurdités. Il se déclare « pro-life », anti-avortement, envisage de sanctionner les femmes, tout en affirmant que les lois américaines sur l’avortement doivent rester telles qu’elles sont…

Ce flou est calculé : cela lui permet de flatter le pire, de l’encourager, tout en lui laissant de larges marges de manœuvre, en particulier pour s’entendre avec l’establishment républicain qui partage son fonds de commerce réactionnaire. L’essentiel pour lui est que ce dernier se plie à sa candidature.

Le mal et le moindre mal…

À partir du moment où Trump a réussi son pari, l’hypothèse qu’il poursuive son ascension n’est pas une vue de l’esprit. Certes, un sondage CNN lui donne seulement 41 % contre 54 % à Hillary Clinton, mais personne n’aurait parié sur Trump il y a seulement quelques mois.

« Nous ne pouvons pas courir le risque qu’un danger public comme Donald Trump dirige notre pays », attaque Hillary Clinton, certaine aujourd’hui d’être la candidate des Démocrates.  Trump est son  principal argument, celui qu’elle utilise vis-à-vis de celles et ceux qui se sont reconnus dans les idées défendues par Sanders. Elle serait le moindre mal. Rien ne dit que l’argument fonctionne tellement il apparaît évident que Trump, comme la mue en cours du Parti républicain ont été nourris par le recul social que connaît la population américaine depuis la grande récession de 2008. Une conséquence de la politique d’Obama reprise par Hillary Clinton, la candidate de Wall Street.

Voter pour elle ne sera en rien un moindre mal, un rempart contre Trump et la politique qui le renforce. La réponse est ailleurs, pas dans un vote par avance truqué mais dans la mobilisation et l’organisation de la classe ouvrière et de la jeunesse.

Yvan Lemaitre