Le 13 juin, l’attaque de deux pétroliers, norvégien et japonais, près du détroit d’Ormuz par lequel transite un cinquième de la production mondiale de pétrole a servi de prétexte aux USA pour relancer leur offensive contre l’Iran engagée depuis leur retrait de l’accord international sur le nucléaire iranien, en mai 2018.
Le ton est encore monté d’un cran le 20 juin après que l’Iran a abattu un drone de surveillance de l’US Navy qui avaitviolé, selon lui, son espace aérien. En représailles les USA se préparaient à des frappes aériennes avant que Trump ne se ravise au dernier moment pour cependant ajouter ensuite :“Toute action de l’Iran visant n’importe quel intérêt américain déclenchera une réponse d’une force puissante et écrasante […] Dans certains domaines, écrasante signifiera annihilation”. Au-delà de l’odieuse mise en scène de Trump par lui-même au moment où il s’engage dans une nouvelle campagne électorale en vue de l’élection présidentielle, au-delà de des surenchères des faucons, Bolton et Pompeo, ces mises en garde sont assumées par l’État américain et le Pentagone, elles ne s’adressent pas seulement à l’Iran mais visent à affirmer la détermination des USA face au monde entier.
Surenchères bellicistes
Le 24 juin, Trump a signé un décret imposant de nouvelles sanctions, renforcement de l’embargo, gel des avoirs à l’étranger de certains dignitaires iraniens, considérées par l’Iran « comme un acte hostile conforme au terrorisme économique et à la guerre économique lancés contre notre Nation » et comme une volonté de « fermer de façon permanente la voie de la diplomatie avec le gouvernement prêt à tout ». L’Iran est étranglé par l’embargo qui vise à le mettre à genoux et à lui imposer les décisions US, voire à provoquer l’écroulement du régime. Les exportations de pétrole iranien sont tombées à 750 000-900 000 barils par jour, essentiellement à destination de la Chine, contre 2,6 millions de barils par jour il y a un an. Une situation dramatique que paye la population par la hausse des prix, le chômage, la misère.
Cette politique renforce, en fait, le pouvoir des mollahs qui s’appuient sur les sentiments anti-étatsuniens. En réponse à ces nouvelles sanctions, ces derniers ont annoncé qu’ils commenceraient à rompre leurs engagements sur le nucléaire le 7 juillet, si les autres signataires de l’accord (Chine, Russie, France, Royaume-Uni et Allemagne) ne trouvaient pas le moyen d’atténuer le poids des sanctions US. Le Drian, ministre des Affaires étrangères français, s’est empressé de dénoncer cette « grave erreur »…
Bruits de bottes
Dès le 17 juin, Washington a annoncé l'envoi de 1000 militaires supplémentaires « à des fins défensives pour répondre à des menaces aériennes, navales et terrestres au Moyen-Orient ». Le 5 mai, avait déjà été annoncé le déploiement, dans les eaux du golfe Arabo-persique, du porte-avions Abraham-Lincolnet de son groupe de combat. Quatre bombardiers stratégiques B-52 sont arrivés le 8 mai sur la base qatarie d’el-Udeid. Un autre navire de l’US Navy, l’Arlington, transportant une force de marines, des véhicules amphibies de débarquement, des hélicoptères et une batterie de missiles antimissiles Patriot, est en route vers le Moyen-Orient.Le Pentagone a engagé un plan d’intervention qui prévoit le déploiement dans la région de 120 000 hommes – à peine moins que pour la guerre contre l’Irak.
Il est très probable qu’aujourd’hui les USA ne veulent pas d’une guerre directe ou plutôt préfèrent, si possible, l’éviter, convaincus que le rapport de forces est entièrement en leur faveur. Ce que voulait souligner Trump en déclarant, à propos de la possibilité d’un affrontement militaire : « Nous sommes dans une position très forte, et ça ne durerait pas très longtemps, je peux vous le dire ». Des propos qui cependant en assument le risque et les conséquences qui ne pourraient rester limitées à l’Iran, qui embraseraient le Moyen-Orient, provoqueraient une recrudescence du terrorisme en réponse à l’odieux terrorisme d’État US, aggraveraient l’instabilité et les tensions internationales.
On assisterait à une flambée des cours du pétrole, à un ralentissement des échanges internationaux et vraisemblablement à une récession mondiale, dont les éléments sont déjà en place.
Le désordre mondialisé
La politique de Trump, y compris dans sa seule mise en scène, répond aux besoins de Wall Street, c’est-à-dire d’une classe capitaliste prête à défendre bec et ongles sa domination mondiale dans le cadre d’une libre concurrence faussée et mondialisée. Elle n’est plus en mesure d’être le gendarme du monde capitaliste mais est devenue un puissant facteur de désordre mondial, mus par la défense de ses seuls intérêts. La multiplication des conflits et des interventions, l’exacerbation des tensions où les politiques libérales le disputent aux politiques impérialistes, sont une conséquence de la stagnation du capitalisme à l’heure de la financiarisation mondialisée.
La première puissance mondiale a un talon d’Achille, la contradiction entre les 99% et les 1%, qui la mine de l’intérieur, une contradiction qui est de plus en plus brutale, évidente, destructrice et dont la politique de Wall Street et du Pentagone comme les frasques ridicules et cyniques de Trump préparent l’explosion. La seule réponse à la menace que représente la politique des USA vis-à-vis de l’ensemble de la planète.
Yvan Lemaitre