Le corps est encore chaud que les vieilles haines anti-Chávez des porte-voix – politiques et médiatiques – des possédants resurgissent. Si le bilan des 14 années est à tirer, on ne peut nier les avancées sociales et politiques que le peuple vénézuélien a obtenues et qu’il craint, avec raison, de perdre en cas de retour de la droite aux prochaines élections présidentielles. D’autant que la disparition de Chávez a lieu dans une période difficile.Depuis l’élection présidentielle d’octobre 2012 et les régionales de décembre 2012, se multiplient les appels à approfondir la révolution bolivarienne. C’est d’autant plus urgent que se multiplient les luttes sociales, exprimant une impatience légitime du peuple.De nombreux conflitsCes luttes sont d’abord portées par un affrontement entre les salariéEs des entreprises publiques et leurs gestionnaires : contre la corruption ou contre l’absence de dialogue de la direction. C’est par exemple le cas de la Venezolana de Cementos ou de nombreuses entreprises du bassin de l’Orénoque. Mais les luttes sont aussi nombreuses dans les entreprises privées.Les peuples indigènes se mobilisent aussi. Acquis au processus depuis la reconnaissance de leurs droits dans la Constitution de 1999, les déceptions se sont accumulées : lenteur de la fixation des limites des territoires indigènes ; désastres écologiques de l’exploitation minière et des grands travaux d’infrastructure traversant les territoires indigènes.Et le 3 mars 2013, l’assassinat par des tueurs à gages du cacique Yukpa, Sabino Romero, est le symbole d’une lutte entre les propriétaires terriens et le peuple Yukpa qui veut maintenir son droit à sa terre. Ironie de la situation, ce drame a eu lieu juste après la mise en place d’une commission pour la justice et la vérité chargée d’enquêter sur les crimes commis pendant les années 1958 à 1998 (plus de 3 500 disparuEs)…Sur le terrain économique, la nouvelle dévaluation du bolivar décrétée le 8 février pénalise la population coincée par une économie où la plupart des biens de consommation sont importés et où les pratiques spéculatives dominent. Certes, les salaires sont désormais systématiquement revalorisés, mais la dévaluation est bien plus forte, ce qui provoque une flambée des prix et relance la spéculation. Et la nouvelle centrale syndicale chaviste, la CSBT, a refusé de revendiquer une augmentation des salaires pour compenser cette perte nette de pouvoir d’achat.Quel avenir pour le processus ?Avec la mort de Chávez, la question de la nature de la succession est posée car aucun dirigeant actuel ne lui est comparable et n’a le charisme nécessaire pour porter un tel processus. La lutte au sein du PSUV et du gouvernement va donc s’accentuer entre deux lignes. D’un côté ceux qui s’accommoderont d’un statu quo, voire d’un rapprochement avec une partie de la droite au nom d’une « réconciliation nationale » ou plus prosaïquement pour défendre ses intérêts de couche sociale, qui a su profiter de sa place au sein des institutions pour s’enrichir. De l’autre des milliers de militantEs, y compris au sein des institutions, qui veulent approfondir le processus en prenant en main leur avenir.Conscients de ces enjeux, nos camarades de « Marea Socialista » bataillent pour construire une nouvelle institutionnalité révolutionnaire qui s’appuie sur les mouvements sociaux, sur les expériences de contrôle ouvrier dans les entreprises et sur la démocratie locale autour des conseils communaux.La présidentielle qui va se dérouler verra très certainement l’opposition entre Nicolas Maduro, actuel vice-président, et Capriles, candidat de la droite. Rien n’est complètement joué et les semaines à venir seront décisives pour savoir si un Thermidor se profile ou si au contraire le peuple vénézuélien prendra son avenir en main.Patrick Guillaudat
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