Publié le Lundi 7 novembre 2011 à 10h41.

Violences d’État au Yémen

"Je  me retirerai, je me retirerai, mais surtout ne m’y poussez pas !" C’est à cela que se résume, approximativement, le discours tenu depuis plusieurs semaines par le président yéménite Ali Abdallah Saleh.

Après plusieurs mois de séjour médicalisé en Arabie saoudite, le président est rentré au Yémen le 23 septembre. Immédiatement, son retour, qui a pris l’opposition et la plupart des observateurs par surprise, a déclenché une nouvelle flambée de violences. Depuis janvier 2011, environ 875 personnes auraient été tuées dans les violences qui secouent ce pays, le plus pauvre parmi tous les États arabes. La raison principale réside dans l’obstination avec laquelle le président refuse d’abandonner le pouvoir – ou alors seulement entre des mains qu’il aurait, au préalable, soigneusement choisies.

Mardi 25 octobre, après un mois d’affrontements meurtriers (ayant causé 170 morts dès la première semaine et encore une vingtaine de morts à Sanaa, samedi 22 octobre), une trêve fut signée dans la capitale. Celle-ci devait concerner les forces en présence – forces gouvernementales, opposition et fractions dissidentes de l’armée –, mais elle a été signée par le président Saleh et le « général rebelle », Ali Mohsen Al-Ahmar, potentiellement candidat au pouvoir. Les deux parties promirent alors de libérer leurs prisonniers respectifs.

Or, cette trêve n’a pas été respectée, quinze morts étant à nouveau à signaler pour la seule journée du 25 octobre, à Sanaa ainsi qu’à Taëz, autre grande ville du pays située à 170 kilomètres de la capitale. Depuis le début des manifestations au Yémen, le 26 janvier dernier, ces deux centres urbains sont le principal théâtre de grandes voire très grandes manifestations.

Ce même jour, Saleh promit (une fois de plus…) de se retirer de la scène publique, cette fois-ci, à l’ambassadeur étatsunien à Sanaa, Gérald Feierstein. Une contrepartie, consistant en une promesse d’impunité pour les exactions passées du régime comme pour sa corruption ou d’autres crimes et méfaits, devait cependant lui être garantie. Auparavant, le Conseil de sécurité des Nations unies avait adopté une résolution (numéro 2014) « encourageant » une telle solution, en prenant appui sur un plan élaboré par les monarchies arabes du Golfe. Celui-ci prévoit, en effet, une promesse d’impunité de Saleh contre son retrait et des élections (qui seraient sans doute organisées par son régime). Le même jour, mardi 25 octobre, la porte-parole du département d’État – ministère des Affaires étrangères des États-Unis –, Victoria Nuland, a déclaré qu’elle « saluait » les propos de Saleh mais qu’elle lui demandait de « tenir sa promesse ».

Jeudi 28 octobre, lors d’affrontements en marge de manifestations demandant le retrait du président Saleh, une femme âgée de 28 ans fut tuée et six participants blessés.

Par ailleurs, la journaliste yéménite Tawakoul Karman, âgée de 32 ans, s’est vu décerner, ce mois-ci, le Prix Nobel de la paix avec deux femmes du Libéria. Cette mère de trois enfants, animatrice de l’association Journalistes sans chaînes, par ailleurs membre de la direction du parti d’opposition Islah (« Réforme », de tendance islamiste modérée), avait organisé les deux premiers rassemblements d’opposition à Sanaa dans la semaine du 15 janvier 2011, immédiatement après le départ forcé du dictateur tunisien Ben Ali. Son arrestation – elle avait alors passé deux jours en prison – avait déclenché la première manifestation populaire de taille, à Sanaa.

Berthold du Ryon