Escalade verbale entre chefs d’État, ministres refoulés à la frontière, sanctions… Les surenchères démagogiques entre la Turquie, l’Allemagne et les Pays-Bas flattent les nationalismes et le racisme. Ainsi, le gouvernement hollandais a interdit l’atterrissage du ministre turc des Affaires étrangères et refoulé à la frontière la ministre de la Famille. En riposte, Erdogan a dénoncé un comportement rappelant « le nazisme et le fascisme », après avoir comparé l’Allemagne au Troisième Reich de Hitler et suspendu les relations diplomatiques avec les Pays Bas...
Suite au putsch manqué de juillet, Erdogan est engagé dans une paranoïa autoritaire et répressive et, le 16 avril, il soumet au référendum une réforme constitutionnelle qui vise à lui attribuer tous les pouvoirs : nommer et révoquer vice-présidents et ministres, gouverner par décret, dissoudre l’Assemblée, nommer les fonctionnaires en poste au sein du pouvoir judiciaire et de la haute administration, décréter l’état d’urgence quand bon lui semble... L’Allemagne et les Pays-Bas viennent donc de lui offrir l’occasion de se poser en défenseur des Turcs qui vivent dans les autres pays d’Europe et dont il cherche le soutien au moment même où il est en difficulté.
Les démagogues jouent l’un de l’autre pour défendre leurs propres intérêts en se renforçant mutuellement. À quelques jours des élections législatives, la droite néerlandaise fait une manœuvre pour contrer l’offensive de l’extrême droite sur son propre terrain, et Merkel et la CDU font de même.
En France, le gouvernement, peu regardant et soucieux de bonnes relations avec la Turquie, a autorisé un meeting pro-Erdogan à Metz. La droite le dénonce au nom de la démocratie. Il ne lui vient cependant pas à l’idée de faciliter l’expression de l’opposition à Erdogan, les partisans du « Non » au référendum. Pas plus d’ailleurs que de dénoncer l’exploitation – fort peu démocratique – par les multinationales françaises des travailleurs de l’automobile en Turquie, la collaboration de la France avec Ankara dans la répression anti-kurde, ou le fait que l’Union européenne a passé un accord indigne avec la Turquie pour qu’elle bloque les migrants aux portes de l’Europe et les réprime.
La défense de la démocratie ne peut venir que du mouvement ouvrier, de la solidarité internationaliste avec les travailleurs turcs en Turquie comme ici, avec le peuple kurde. La solidarité contre tous les démagogues xénophobes et racistes.
Yvan Lemaitre