Publié le Vendredi 28 mai 2010 à 21h50.

XXVème sommet Afrique-France: sous le signe du renouveau?

 

Au début de son mandat, Sarkozy souhaitait faire de la rénovation des sommets France-Afrique un des symboles de sa prétendue volonté de rupture en matière de politique africaine. Après avoir hésité à abandonner cette grand messe rituelle de la Françafrique, puis avoir consulté différentes personnalités pour en faire évoluer la forme et le contenu, la seule nouveauté finalement retenuepour le XXVe sommet qui se déroulera à Nice les 31 mai et 1er juin prochains sera la présence des multinationales françaises sous couvert d’ouverture à la «société civile».Créé en 1973, ces sommets bisannuels, alternativement réunis en France et en Afrique, ont pour objet de réunir autour du président français les chefs d’Etat africains, d’abord ceux du «pré carré» francophone, puis des autres pays du continent: symbole évident de certaines relations de vassalité entretenues par delà les indépendances formelles et manifestation de la «grandeur» de la France et des survivances de son empire colonial. De ce point de vue, pas de changement: le XXVe sommet, initialement prévu en Egypte puis rapatrié en France, est toujours très officiellement qualifié de «réunion de famille» par Sarkozy, et c’est à huis clos et en comité restreint que seront discutées les affaires françafricaines les plus sensibles. Le sommet s’inscrit par ailleurs dans les cérémonies (françaises) du cinquantenaire des indépendances des anciennes colonies africaines, qui, sans surprise, prennent surtout l’allure d’une célébration de la période coloniale.

Mais le sommet se déroule également dans une période de concurrence accrue, mondialisation capitaliste oblige, et de perte (relative, car sa capacité de nuisance et ses intérêts restent considérables) de l’influence française en Afrique, qui se traduira peut-être par une baisse du nombre de participants de «haut niveau» par rapport au sommet de Cannes en 2007. C’est dans ce contexte que la France va, lors de ce sommet, une nouvelle fois tenter de se faire passer pour l’avocate et la porte-parole des intérêts africains en matière diplomatique (création d’un poste de membre permanent du conseil de sécurité attribué à un pays africain), économique (place de l'Afrique dans les négociations de l'OMC suite au processus de Cancun), écologique (avec la bénédiction des dictateurs francophones des pays du bassin du Congo) et enfin militaire. Pour ce dernier volet, Sarkozy entend mieux «expliquer» sa «réforme» de la politique militaire qu’est censée illustrer la renégociation des accords de défense en cours, et va à nouveau proposer de mettre ses bases et sa coopération militaires à disposition des futures forces de maintien de la paix de l’Union africaine: manière de fournir une nouvelle légitimité à la présence militaire française en Afrique et de poursuivre une politique d’influence et d’ingérence en ce domaine.

Mais la véritable nouveauté du sommet, c’est la décision de l’ouvrir aux entreprises privées: la totalité du CAC 40 et 40 grosses PME, ainsi que 150 entreprises africaines, seront ainsi invitées à débattre de «l'environnement des affaires», de la formation professionnelle, de la «responsabilité sociale et environnementale» ou encore des énergies durables, sous prétexte d’élaborer une charte des entreprises françaises en Afrique. En fait, il s’agit bien évidemment de consolider les intérêts économiques de la France dans ses anciennes colonies et de les développer davantage dans les autres pays. Pour parer à ce genre d’accusations, Sarkozy a également tenté de faire cautionner l’initiative par des organisations syndicales françaises et africaines, lesquelles ont fort heureusement pour la plupart refusé. Les chefs d’Etat invités ont en revanche mis leur véto à la présence des partis politiques ou des organisations de la société civile, craignant que ces derniers n’utilisent le sommet comme une tribune pour dénoncer les crimes et l’absence de légitimité démocratique des dictatures et des démocratures «amies de la France».

Comme pour les sommets précédents, un contre sommet, intitulé «forum citoyen», est organisé à l’initiative de l’association Survie et avec la participation d’autres organisations françaises et africaines. Il se tiendra cette année à Aubervilliers le 29 mai (programme complet sur http://www.afrique2010.fr). Une manifestation (ainsi que d’autres initiatives, voir le site d’Attac 06 pour le programme complet) sera également organisée à Nice pendant le sommet, qui constituera un temps fort dans la lutte pour la régularisation des sans-papiers. Une centaine de personnes sont ainsi parties à pieds de Paris le 1er mai (fête des travailleur-euse-s, même sans-papiers) pour arriver à Nice à la fin du mois afin de «dénoncer la collaboration des chefs d'Etat africains avec la politique d'immigration choisie française, avec les expulsions de masse, avec la souffrance de la vie des sans-papiers dans ce pays» ainsi que l’explique le Ministère de la régularisation de tous les sans-papiers à l’origine de la marche. La manifestation de Nice entend ainsi dénoncer la double politique de la France à l’égard de l’Afrique, résumée par le slogan: «ChasséEs d’ici, pilléEs là-bas!». Alors tou-te-s à Nice!

Robin Guébois