Publié le Vendredi 2 mars 2012 à 23h28.

Yémen, bye-bye Saleh...

La situation au Yémen, pays le plus peuplé et (de loin) le plus pauvre de la péninsule arabique, semble assez inédite par plusieurs aspects. Pour la première fois depuis le début des soulèvements du « Printemps arabe », un président a quitté le pouvoir de façon en partie volontaire, en tout cas négociée, et l’a remis à son successeur, ce 27 février. N’oublions pas cependant qu’Ali Abdallah Saleh, au pouvoir depuis 1979 et 33 années durant, ne l’a abandonné qu’au bout de onze mois de crise intensive, de manifestations et de heurts avec les forces de l’ordre qui ont fait 300 morts selon les indications les plus basses, et plus de 500 selon d’autres chiffres.

Un accord du 23 novembre 2011, conclu sous la houlette des monarchies conservatrices du Golfe, prévoyait le départ de Saleh, mais lui garantissait en même temps l’impunité – à lui et ses proches – pour tous les méfaits commis pendant son long règne. 

C’est cette amnistie générale de fait qui était le plus durement critiquée par les opposants à la « transition négociée du pouvoir ». Et au premier chef, par le mouvement des Jeunes de la révolution, qui a maintenu son campement sur la « Place du changement » dans la capitale Sanaa – devenue une véritable ville dans la ville au fil des mois, composée de tentes équipées de paraboles-satellite – « jusqu’à la disparition de tous les signes importants de l’ancien régime ». Lundi 27, des dizaines de milliers de personnes ont encore manifesté dans la capitale yéménite, pour dénoncer l’impunité accordée à l’ancien dictateur. La manifestation a précédé la cérémonie officielle de passation des pouvoirs, qui s’est déroulée au palais présidentiel. 

D’ailleurs pour le moment, rien n’exclut que Saleh ne tente de rejouer un rôle capital au bout de la période de transition actuellement en cours et censée durer deux ans. Plusieurs de ses proches dirigent encore d’importants organes d’État, et notamment la Garde républicaine. Cette troupe d’élite est présidée par son propre fils, Ahmed Ali Abdallah Saleh.

Son ex-président de père demeure, par ailleurs, le chef du Congrès général du peuple, parti qui dirigeait jusqu’ici les gouvernements. Rien dans l’accord du 23 novembre n’empêche un retour de ces forces sur le devant de la scène, si jamais le mouvement de masse devait reculer.

Le successeur de Saleh à la présidence, Abd Rabdo Mansour Hadi, après avoir été son vice-président pendant plusieurs années, a été élu comme « candidat (unique) du consensus », mardi 21 février pour la durée de la période de transition. En l’absence de toutE autre candidatE, il a obtenu 99,8 % des voix exprimées, ce qui n’était pas difficile. La participation électorale a été chiffrée à 66 % des 12 millions d’électeurs. 

Le scrutin du 21 février avait des adversaires résolus, notamment dans le sud du Yémen, pays indépendant jusqu’en 1990 – dirigé à l’époque par un parti marxiste léniniste, dont le successeur (le Parti socialiste) fait aujourd’hui partie de l’opposition parlementaire. La partie sud du pays est moins marquée par les structures tribalistes et conservatrices que le Nord, surtout dans ses zones rurales. Un mouvement autonomiste voire indépendantiste y combat « la colonisation par le Nord ». Dans de nombreux endroits, y compris plusieurs quartiers de la métropole sudiste Aden, des manifestations hostiles mais aussi des jets de grenades – contre des locaux de vote alors inoccupés – ont eu lieu. Les rebelles chiites (houthistes) dans le Nord ont eux aussi combattu le scrutin, y voyant le fruit d’un « complot américain ». 

Bertold Du Ryon