La visite de l’envoyé spécial de l’ONU dans le port de Hodeida, en fin de semaine dernière, pouvait laisser augurer d’un début de négociations entre les Houthistes et la coalition menée par l’Arabie saoudite, qui bombarde sans relâche le pays depuis 2015 et a provoqué la pire crise humanitaire depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Mais les obstacles à ces négociations sont nombreux, à commencer par la résolution 2 216 de l’ONU qui exige la reddition sans conditions des rebelles houthistes.
Les déclarations tonitruantes de Donald Trump sur la nécessité de l’ouverture de négociations après le meurtre, dans des conditions épouvantables, du journaliste Kamal Khashoggi, ont été tout de suite tempérées par son soutien indéfectible à la monarchie saoudienne.
Même le rapport de la CIA, qui met en cause directement Mohammed ben Salmane dans cet assassinat, n’a pas ébranlé ce soutien, et les mesures de rétorsion prises sont presque risibles : le gel des avoirs et l’interdiction d’entrer aux USA pour 17 ressortissants saoudiens touchent des personnes déjà inculpées en Arabie saoudite dans le cadre de l’« affaire Khashoggi », mais surtout pas le ou les commanditaires. Ce qui permet au prince Turki-al Faysal, ancien ambassadeur aux USA, de se gausser de la CIA lors d’une conférence de presse en déclarant qu’on ne pouvait pas compter sur la CIA pour avancer une conclusion crédible, puisqu’elle avait conclu à la présence d’armes de destruction massive en Irak en 2003… Et d’ajouter : « Je ne vois pas pourquoi la CIA n’est pas devant les tribunaux aux USA. Voilà ma réponse à leur affirmation sur qui est responsable de ce qui s’est passé au consulat à Istanbul ». Une arrogance qui montre bien que la famille Saoud ne doute pas du soutien de la présidence.
Les ventes d’armes continuent
Malgré la désapprobation internationale montante à l’égard de ce conflit, surtout depuis que les images d’enfants squelettiques ont commencé à circuler largement sur les réseaux sociaux, les contrats de vente d’armes sophistiquées à l’Arabie saoudite continuent d’être honorés par certains pays, dont la France évidemment. Mais l’Allemagne vient de geler toutes ses livraisons d’armes, suivie par le Danemark, ce qui met le gouvernement français dans une position délicate : le choix entre le business prospère de la vente d’armes au profit de la balance commerciale française et la responsabilité dans un gigantesque drame humanitaire. Pour l’instant, le gouvernement a choisi les milliards, mais cette attitude va devenir difficilement défendable au fur et à mesure que les autres pays européens s’en désolidarisent…
Quelles perspectives de paix ?
L’urgence est évidemment de faire cesser les bombardements et d’obtenir un accord permettant l’acheminement de l’aide humanitaire à une population qui meurt au quotidien du manque d’eau, de ravitaillement et de soins. Mais les perspectives d’une paix durable restent très fragiles, du fait de la rivalité des puissances locales, Arabie saoudite et Émirats arabes unis en tête, qui ont créé, armé et subventionné leurs propres milices au Sud, rendant une éventuelle partition du pays problématique, et source de conflits à venir.
Quelle que soit l’issue des négociations, si elles se mettent réellement en route, l’urgence reste d’exiger du gouvernement français l’arrêt immédiat de toute vente d’armes à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis, ainsi que le gel des livraisons en ce qui concerne les contrats déjà signés, tant que la destruction de la population civile yéménite se poursuivra.
Mireille Court