Publié le Vendredi 2 décembre 2011 à 09h59.

Yémen Saleh, dégage !

Après une répression terrible depuis le 16 janvier dernier, le président du Yémen a accepté la proposition de l’Arabie saoudite et devrait quitter le pouvoir. Cette fois-ci pourrait être la bonne. Le président yéménite Ali Abdallah Saleh, au pouvoir depuis 1978 (d’abord président de la République du Yémen du Nord, puis de tout le Yémen après la réunification entre Nord et Sud actée en 1990), semble être sur le départ. Ayant signé un accord de transition du pouvoir, le 23 novembre dans la capitale saoudienne Ar-Ryad, Saleh devra abandonner son pouvoir en février prochain. Il ne gardera que le titre honorifique de « président d’honneur ».

Si l’accord est réellement respecté (et sauf bouleversement dans un autre pays d’ici février 2012), Ali Abdallah Saleh sera le quatrième chef d'État arabe à perdre son pouvoir dans le contexte des bouleversements communément appelés « Printemps arabe ». Avant lui, c’était le cas du Tunisien Ben Ali, du président égyptien Moubarak et, dans des circonstances particulières mêlant une rébellion intérieure, une guerre civile mais aussi une intervention militaire impérialiste, du « guide » libyen Kadhafi. Manifestations massivesAu Yémen, les manifestations contre le pouvoir de l’éternel président avaient commencé le 16 janvier dernier – le surlendemain de la chute du dictateur tunisien Ben Ali – dans la capitale Sanaa. D’abord petites, elles étaient devenues massives au bout d’une dizaine de jours, à la suite notamment de l’arrestation puis de la libération de la présidente de l’association Journalistes sans chaînes, Tawakoul Karman (devenue, depuis, co-lauréate du Prix Nobel de la Paix 2011). Dès le 3 février, Saleh avait été contrait d’annoncer qu’il ne se présentait pas à une nouvelle « élection », en 2013. Mais les opposants et la société yéménite refusaient de lui faire confiance. Ils et elles avaient raison de se méfier, comme allaient le montrer les manœuvres du président tout au long de l’année. Les manifestations contre son pouvoir mobilisèrent à plusieurs reprises des centaines de milliers, voire des millions de manifestants dans les centres urbains.

Pendant de longs mois, Saleh a fait semblant de négocier avec ses opposants, tout en refusant en fin de compte de s’engager sur quoi que ce soit. Alors que les monarchies conservatrices du Golfe – soucieuses de maintenir la stabilité de la région en assurant une « transition pacifique », contrôlée et institutionnellement canalisée – avaient proposé un accord de transfert du pouvoir, Saleh avait fait la fine bouche. Grièvement blessé dans un attentat à la bombe le 3 juin dernier, puis parti se faire soigner en Arabie saoudite, Saleh est rentré au pays le 23 septembre. ImpunitéIl a fini par accepter la proposition élaborée par les monarchies du Golfe. Celle-ci a surtout un prix assez difficile à accepter pour toute l’opposition : l’impunité garantie à l’ancien président, ainsi qu’à son entourage, une fois qu’il aura quitté le pouvoir. Après la répression des manifestations ayant fait au moins 850 morts et plus de 25 000 blessés au total, c’est une énorme couleuvre à avaler. Des dizaines de milliers de manifestants ont d’ailleurs dénoncé cette promesse faite à l’ex-« homme fort » du pays lors de rassemblements à Sanaa, vendredi 25 novembre. Or, le pouvoir ayant pris les devants, la télévision officielle a annoncé, dimanche 27 novembre, qu’une « amnistie générale pour tous ceux qui ont commis des erreurs pendant la gestion de la crise » avait été décrétée. Le président, une fois devenu ex-chef d’État, saura s’en prévaloir.

L’accord de transition, rejeté (pour certaines de ses conséquences en tout cas) par les manifestants ainsi que par le mouvement des Jeunes de la révolution, associe cependant formellement l’opposition parlementaire. Il semble également satisfaire les militaires « dissidents » autour du général Ali Mohsen Al-Ahmar, qui s’était érigé en rival du président Saleh.

Une élection présidentielle, qui déterminera son successeur, aura lieu le 21 février 2012. En attendant, un représentant de l’opposition officielle, Mohamed Basindawa, a été chargé de former un gouvernement « d’union nationale ». Basindawa, qui fait figure d’« indépendant » au Parlement yéménite, avait fait partie de l’administration Saleh et avait été son ministre des Affaires étrangères, avant de rompre avec lui. Son gouvernement sera composé pour moitié de membres de l’opposition parlementaire et pour moitié de membres du parti de Saleh, le Congrès général du peuple.

Berthold du Ryon