Publié le Mercredi 8 juin 2011 à 18h47.

Yémen : Saleh dégage ! Le pouvoir au peuple... Maintenant !

Après quatre mois de mobilisations populaires, de grèves et de manifestations sauvagement réprimées, le président dictateur du Yémen, Ali Abdallah Saleh, à l’instar de ses collègues Ben Ali et Moubarak, va sans doute être contraint de mettre fin à 33 ans d’un pouvoir sans partage. Réfugié en Arabie saoudite pour s’y faire soigner après avoir été blessé lors de l’attentat perpétré vendredi 3 juin contre le palais présidentiel, son sort semble définitivement scellé. Les USA et leurs alliés dans la région réclament une « transition immédiate, pacifique et ordonnée, pour le bien du peuple » tandis qu’un accord de cessez-le-feu entre « partis yéménites » est proposé par le Conseil coopératif du Golfe regroupant tous les États du Golfe arabique, à l’exception du Yémen. Le départ du dictateur a été accueilli par des manifestations de liesse populaire dans les rues de Sanaa, Aden ou Taez.

C’est une première victoire du mouvement populaire, de ces « jeunes de la révolution » qui depuis janvier n’ont cessé, par leur mobilisation, d’affaiblir le régime. Ce puissant mouvement avait démarré le 23 janvier par un rassemblement de protestation contre l’arrestation d’une opposante membre du parti islamiste Islah. Cette dernière, par ailleurs journaliste connue, avait appelé à deux manifestations de solidarité avec la révolution tunisienne devant l’université qui furent réprimées par la police. Un appel signé par 200 journalistes était bientôt relayé par des sites internet, généralisant la contestation dans tout le pays. Le 2 février, « jour de la colère », ce sont plus de 20 000 opposants qui ont manifesté dans les rues de Sanaa, du jamais vu. Malgré l’annonce début février par le président Saleh qu’il ne briguerait pas de nouveau mandat aux prochaines élections de 2013, malgré le limogeage de son gouvernement le 20 mars, des mouvements de grève éclataient un peu partout, notamment à Aden avec une grève générale. Les rues des grandes villes se couvraient de barricades engendrant une répression sanglante à l’origine de plus d’une centaine de victimes.

L’escalade militaire engagée par le gouvernement contre le clan de Sadek Al-Ahmar responsable de l’attaque du palais présidentiel, n’a été conçue, par Saleh comme par ses adversaires tribaux, que comme un dérivatif à la mise en place d’une alternative populaire face à la crise économique et institutionnelle qui frappe le pays. Appelés à n’être que les spectateurs impuissants d’un combat armé où ils n’ont pas leur place, les insurgés du « printemps yéménite » ne peuvent compter que sur leur capacité à relancer la mobilisation populaire, maintenir la question sociale au centre du débat politique, exiger la satisfaction des revendications exprimées au cours des quatre derniers mois. Les deux camps qui s’affrontent aujourd’hui sur le plan militaire ont partie liée avec les monarchies pétrolières et les USA. Partisans du maintien de l’ordre impérialiste dans la région, ils ne peuvent au mieux qu’accompagner en les dévoyant les processus de mise en cause des dictatures, au pire les affronter plus directement. Plus que jamais, les révolutions du monde arabe ont besoin de notre soutien !

Alain Pojolat