Publié le Samedi 1 octobre 2011 à 11h54.

Yémén : vers une transition par le haut...

C’est une de ces nouvelles qui annoncent de graves problèmes et des « troubles ». Vendredi 23 septembre, à la surprise de la plupart des acteurs et observateurs, le président yéménite Ali Abdallah Saleh – au pouvoir sans interruption depuis 1979 –, est rentré dans son pays. Ce retour non annoncé du président a déclenché des violences soudaines qui ont fait 170 morts pour la seule semaine dernière.

Le président Saleh avait été grièvement blessé le 3 juin 2011 alors qu’il se trouvait dans la mosquée du Palais présidentiel. Contrairement aux premières informations qui ont évoqué des tirs sur le palais par des lance-roquettes, il s’est avéré qu’il s’agissait d’une explosion déclenchée à l’intérieur du bâtiment. Ainsi il est probable qu’un attentat à la bombe ou à la grenade avait été préparé à l’intérieur du palais ; signe de plus d’un pouvoir fragmenté et fragilisé.

Ayant reçu un éclat non loin du cœur, Ali Allah Saleh est alors évacué en Arabie saoudite où il reste pendant plus de trois mois. Le pouvoir était alors provisoirement géré par des membres de sa famille proche en attendant son retour, alors que Saleh refusait obstinément d’abdiquer en dépit de la demande des États-Unis. L’administration US est devenue méfiante vis-à-vis d’un président qui agite beaucoup la « menace Al-Qaida » pour être soutenu, alors que les USA le soupçonnent d’entretenir en partie artificiellement cette menace par un groupe auquel le pouvoir avait délibérément livré une ville (Zinjibar). Les monarchies du Golfe conservatrices – alliées étroites aux USA –, quant à elle, demandent depuis des mois à Saleh d’élaborer un « plan de transition » afin d’organiser une passation du pouvoir contrôlée à un successeur.

Refusant de façon entêtée cette idée, Saleh est donc rentré au Yémen. La nouvelle a immédiatement déclenché d’énormes manifestations partant samedi dernier de la place du Changement comme l’appellent les manifestants, dont le nom en arabe (Meydan at-tagheir, prononcé thareyar) évoque aussi celle de la place de la Libération (Meydan at-Tahrir) au Caire. Ce samedi 24 septembre a vu un important pic de violences, la partie de l’armée restée loyale au président bombardant les abords de la place du Changement, en visant un campement occupé par une fraction dissidente de l’armée conduite par le général Ali Mohsen al-Ahmar, qui s’est érigé en concurrent du président.

L’opposition politique est composée de différentes forces. On y trouve le Parti socialiste, héritier du parti « marxiste-­léniniste » qui gouvernait le Sud-Yémen, avant sa réunification avec le Nord en mai 1990, mais qui a connu son « aggorniamento » idéologique depuis. On y trouve également le parti Islah (Réforme), de tendance islamiste modéré (il accepte les règles du jeu de l’alternance démocratique), dont un membre – la journaliste Tawakel Karman, animatrice de l’association Journalistes sans chaînes – avait co-organisé les premiers rassemblements sur le campus universitaire à la mi-janvier 2011. C’est l’arrestation de Madame Karman qui avait été, le 22 janvier, à l’origine des premières grandes manifestations. À côté de ces deux grands partis politiques, on retrouve le mouvement des Jeunes de la révolution qui joue un rôle d’aiguillon de la contestation. Ces différentes forces travaillent ensemble dans une coalition : la Rencontre commune.

Dimanche 25 septembre, dans un discours télévisé, Saleh a annoncé qu’il acceptait de s’engager sur la voie d’une « transition» (telle que prônée par les monarchies du Golfe) ; non pas en quittant le pouvoir, mais en y restant pour organiser une élection. Visiblement, son souhait premier est de contrôler étroitement le processus qui conduira, éventuellement, à une « transition » venant d’en haut. Ce plan de « sortie de crise » est cependant inacceptable pour l’opposition.

Bertold du Ryon