De la lutte contre le contrat de première embauche (CPE) en 2006, en passant par celle contre la loi travail en 2016 et les réformes du bac-Parcoursup en 2018, le blocage est le marqueur régulier des mobilisations sur les facs et les lycées.
C’est un outil, un levier et non une fin en soi. Il doit être interrogé au regard des derniers mouvements et de l’actuelle mobilisation sur les retraites. À défaut d’arriver à mobiliser et à élargir sur le fond, la question du blocage est à nouveau au centre de la médiatisation du mouvement de la jeunesse, faible à ce stade.
Parcoursup ou le désaveu du blocage ?
La mobilisation contre Parcoursup, avant tout défensive, a été une défaite dure. Des blocages ont eu lieu dans peu d’endroits. Pendant la mobilisation du CPE, une quarantaine d’universités avaient vu leur assemblée générale voter la grève et jusqu’à 370 lycées avaient été bloqués en une seule journée. Mais on a vu aussi des étudiantEs de tous bords s’élever contre le blocage aussi bien pendant le CPE que pendant le mouvement contre Parcoursup. Ce dernier mouvement n’a pas bénéficié d’un rapport de forces suffisant et n’a pas débouché sur une victoire. Si bien que les équipes militantes en sont ressorties usées, souvent rejetées par le reste de la communauté universitaire et n’ont pas pu transformer dans la foulée les expériences théoriques et pratiques de cette lutte en base solide d’un renouveau du mouvement étudiant.
Le début de mouvement actuel ne fait pas l’économie du débat habituel qui pose les questions suivantes : comment défendre l’accès au savoir pour toutEs et bloquer les établissements ? comment massifier si on ferme nous-mêmes les établissements ? De nouvelles questions se posent. Premièrement, le mouvement, pour apparaître utile et légitime et massifier, doit s’appuyer sur des axes revendicatifs solides, autour desquels regrouper. Ils doivent concerner la jeunesse sur ses conditions de vie propres pour les lier à la question de la retraite.
En second lieu, les directions d’établissement et la police ont appris : les fermetures préventives doublées de cours en visio et les intrusions policières placent la barre haut. Les contre-mesures et la répression sont à notre désavantage. La poignée de blocages actuels ne peut pas faire émerger un mouvement étudiant et lycéen puissant sans une structuration syndicale solide ou des pratiques d’auto-organisation à une échelle significative. L’exemple de Rennes-2, bloquée assez tôt dans le mouvement, l’illustre bien : une frange minoritaire de l’AG, impatiente, a décidé de manière isolée d’envahir, le 8 février, le meeting unitaire sur la ville. Conduisant à son annulation et à une forte division dans le mouvement social rennais. Espérons de manière passagère.
Le 7 et le 8 mars comme boussole
Alors que les vacances ont été peu propices à se mettre en mouvement comme l’illustrent le nombre d’établissements mobilisés le 16 février, la perspective de la journée du 7 mars comme « journée noire » et celle du 8 mars comme début de reconductible, posent aux assemblées générales la question du blocage : pourquoi ? maintenant ou plus tard ? Libérer le temps des jeunes et du personnel pour se mobiliser ? S’affronter à l’ordre universitaire bourgeois ? S’affronter directement à l’État ?
Au-delà, la question que beaucoup se posent est comment bloquer l’économie le 7 et le 8 mais si on n’est pas dans un secteur stratégique ? Tous les secteurs sont stratégiques ! Il ne s’agit pas que d’un blocage économique mais aussi d’un affrontement politique. Une manière de s’affronter à l’ordre universitaire bourgeois et à l’État serait de mettre en lumière le fait que les penseurs de cette réforme sont pour beaucoup issus de ces universités, fondus aujourd’hui dans le capitalisme. L’autre aspect de cette bataille est évidemment revendicatif : la retraite à 60 ans et une année d’étude ou une année de stages cumulés doivent compter pour une année de cotisation retraite, sans avoir à être rachetée. Pas un jour de plus, pas un euro de moins ! La jeunesse peut montrer sa force de mobilisation !