Publié le Vendredi 2 juillet 2021 à 08h00.

La croisade du Vatican contre le projet de loi sur l’homophobie

Mardi 22 juin, le quotidien « Il Corriere della Sera » révélait l’existence d’une note officielle adressée au gouvernement italien par le Vatican pour demander la modification du projet de loi du député démocrate Alessandro Zan sur l’homophobie.

La note, envoyée le 17 juin par Paul Richard Gallagher, secrétaire en charge des Relations internationales pour le Secrétariat d’État du Vatican, est arrivée au ministère des Affaires étrangères dirigé par l’élu 5 Étoiles Luigi Di Maio.

De quoi l’Église a-t-elle peur ?

C’est une première depuis le Concordat signé en 1929 entre le dictateur fasciste Mussolini et le représentant de Pie XI, censé réguler les relations entre l’État italien et l’Église. Le Vatican fait précisément appel aux accords du Latran pour dénoncer la limitation de la liberté de pensée et d’action de l’Église qui serait entraînée par la loi. Selon le Saint-Siège, celle-ci contreviendrait à la version modifiée du Concordat de 1984, qui garantit à l’Église et aux associations et organisations catholiques la liberté d’organisation, de réunion et d’expression de sa pensée à travers la parole, l’écrit et tout autre moyen de diffusion (alinéas 1 et 2). La crainte de l’Église est que les écoles catholiques se sentent obligées d’organiser des activités contraires à sa doctrine et à défendre la lutte contre les discriminations de genre notamment dans le cadre de la Journée nationale contre l’homophobie, la biphobie, la lesbophobie et la transphobie instituée par l’article 7 du projet de loi.

Au-delà de la réserve légitime qu’on pourrait avoir vis-à-vis d’une institution religieuse qui se soucie de revendiquer son droit à exclure et à discriminer, ses craintes semblent être juridiquement infondées. Le projet de loi Zan condamne en effet l’incitation à la discrimination ou à la violence sur la base de l’orientation sexuelle mais, contrairement à la loi existant sur la xénophobie et le racisme, ne prévoit pas le délit de propagande. L’Église pourra donc continuer à faire propagande contre l’homosexualité en toute impunité afin de défendre l’hétéro­mormativitivé et sa conception de la famille « naturelle ».

Ingérence réactionnaire

Les mêmes débats avaient d’ailleurs entravé le processus d’adoption de la loi sur les unions civiles approuvée en 2016. En réaffirmant les orientations du Family Day [Manif pour tous version italienne], l’ingérence du Vatican vise à assurer à l’Église et à ses organisations la liberté de faire campagne contre l’égalité des droits pour les personnes LGBTI. En effet, plus la société intégrera une culture du respect et de l’inclusion et se fera promotrice d’une lutte contre toutes les formes de discrimination et de violence liées à l’orientation sexuelle, et plus la propagande de l’Église apparaitra comme régressive, conservatrice et discriminatoire.

Il s’agit d’un véritable acte d’ingérence visant à empêcher l’extension des droits et la protection des citoyens face aux violences de genre. Et c’est précisément la réalité de la violence vis-à-vis des femmes, des minorités sexuelles et de certaines identités de genre qui constitue la meilleure unité de mesure pour évaluer l’urgence et la pertinence de ce projet. Pour certains, la loi Zan est insuffisante car elle se limite à une conception purement formelle qui refuse les discours et les incitations à la haine sans aborder directement la question de la violence subie par les sujets subalternes. Il permet néanmoins de nommer les discriminations liées à la sexualité et au genre qui sont à l’origine des phénomènes de violence.

C’est pour cette raison que la loi est portée avec fierté par la communauté LGBTI et par la vague arc-en-ciel qui a envahi les villes italiennes pendant la Pride week. Dans un contexte politique invraisemblable, où le néofascisme est intégré à la doctrine néolibérale de Mario ­Draghi, le processus ­d’adoption de la loi ne sera pas très aisé.

Une chose est certaine : l’ingérence du Vatican et les critiques exprimées par la droite et l’extrême droite permettent de mesurer correctement le potentiel progressiste de la loi contre l’homophobie.