Publié le Samedi 27 mai 2023 à 08h00.

Logement : la « crise », c’est le capitalisme !

Un rapport d’information parlementaire1, une « initiative de parlementaires » sur les logements touristiques 2, un groupe de travail du Conseil national de la Refondation, des articles dans le Monde… La « crise » du logement fait parler !

Le problème est réel, il s’aggrave, mais il n’a rien de nouveau. Alors pourquoi ce soudain brouhaha ? Peut-être parce que le problème commence à toucher au-delà des plus pauvres : même Les Républicains voient leurs électeurs et électrices s’en inquiéter…

Produire, produire, produire… les fausses solutions de la bourgeoisie

La recherche des solutions s’accélère. Rarement nouvelles, elles sont parfois intéressantes. Généraliser le Bail réel solidaire (qui revient à n’acheter que les murs) ? Encadrer les loyers ou toucher au droit de propriété ? Signe de la gravité de la situation pour les capitalistes, mais qu’on ne s’enflamme pas : tout cela décore bien ! L’important ce sont d’abord les promoteurs qui « appellent à l’aide » 3 (à quand une opération Pièces jaunes pour Bouygues ?) et de loger les salariéEs pour qu’iels puissent travailler.

En regardant qui se mêle de la question, on comprend ce qui se trame. Prenons le cas du CNR : le groupe de travail a été présidé par un membre de la Fondation Abbé-Pierre (bien !) et… par Véronique Bédague, PDG de Nexity ! Le rapport d’information parlementaire ? Co-écrit par un député LR, Vincent Rolland, qui pourfend « l’écologie punitive » et avance le programme de la bourgeoisie : des avantages fiscaux (il faut sauver les promoteurs !), des aides (pour les entreprises !) et puis en finir avec les contraintes écolos comme le Zéro Artificialisation Nette : l’important c’est de construire ! Dans un élan néocolonial, il ajoute qu’on pourrait assouplir les normes en outre-mer encore plus qu’ailleurs. Les concernéEs apprécieront… En somme, tout un programme déjà présent dans le nom d’un sous-groupe de travail du CNR : « Réconcilier les Français avec l’acte de produire de ­nouveaux logements ».

Produire, produire, produire, toujours plus, en s’agrippant au mirage du « tous propriétaires » pour vendre ce non-sens écologique, voilà donc le programme réel des capitalistes, ce qui sortira de l’activité médiatique, parlementaire et ministérielle qui se déploie sur la question du logement. 

Le problème de fond : démarchandiser le logement

Il n’y a pas de crise du logement mais un problème de fond posé par le capitalisme lui-même. Dans l’urgence, il faut utiliser tous les moyens à notre disposition pour réduire le taux d’effort à 20 % maximum et offrir à chacunE un logement décent. 

Mais tant que le logement sera une marchandise et tant qu’il y aura des exploiteurs s’enrichissant sur le dos des exploitéEs, le problème persistera. Dans de nombreuses régions, il y a assez de logements. Ailleurs, il faudra créer de nouveaux logements, dans le respect de l’environnement, en prenant sur les bureaux par exemple. S’il faut en expulser les traders et les conseillers en défiscalisation, on ne se gênera pas !

Il faut suivre le chemin de l’éco­socialisme : répondre ensemble aux besoins de chacunE, en ne permettant pas que l’un ait deux toits tant qu’unE seulE sera dehors. Il faut revoir ensemble nos modes de vie, pour prendre l’espace nécessaire à une vie saine mais pas plus. Car il ne faut pas oublier que s’il manque de la place pour des logements, c’est aussi parce qu’elle est prise par les piscines et les golfs qui assèchent notre planète.

 

Le bail réel solidaire (BRS), une solution miracle ?

Ce dispositif séduit beaucoup à gauche. Le BRS consiste à séparer la terre des murs, en faisant acquérir l’un par la collectivité et les autres par des acheteurs à faible revenu. L’idée est de permettre aux moins aiséEs de devenir propriétaires, en diminuant le prix d’achat (jusqu’à 30 % en théorie). Sauf que…

Même à – 30 %, acheter coûte cher, d’autant que l’économie réelle s’approche souvent plus des 10 %. Ce ne sont pas les plus pauvres qui en profitent : à Saint-Denis, les bénéficiaires des BRS viennent remplacer des locataires qui étaient moins aiséEs… C’est la gentrification, ou comment chasser le pauvre sans le dire ! La proposition récurrente de créer un BRI (bail réel intermédiaire), à destination des classes moyennes, renforcerait ce phénomène.

Derrière tout cela, il y a l’idée de l’accès à la propriété pour tous, qui a toujours aveuglé une partie de la bourgeoisie mais aussi certainEs intellectuelEs comme Proudhon, qui ne voyaient pas que tant que le logement pourra être vendu et acheté librement dans une société de marché, la spéculation fera son œuvre et certainEs dormiront dehors quand d’autres auront plusieurs toits… Si des dispositifs comme le BRS peuvent être utiles dans l’urgence, il est surtout temps de créer un autre modèle, qui offre un toit selon les besoins en sortant le logement du domaine de la marchandise.