Publié le Vendredi 28 mars 2025 à 12h00.

Un toit, c’est un droit !

La trêve hivernale suspend légalement l’expulsion d’un locataire par son propriétaire du 1er novembre au 31 mars. Ensuite, les expulsions ont lieu et explosent d’année en année. Le point sur la situation du logement et les causes de la crise.

 

Le droit au logement inscrit dans la Déclaration des droits de l’Homme de 1848 et complété dans le Code de l’action sociale qui « garantit l’hébergement inconditionnel, quelle que soit sa situation administrative, à toute personne en détresse, à un dispositif hébergement d’urgence » n’est pas appliqué. En 2024, 826 personnes sont mortes à la rue. 350 000 autres y survivent. En 2025, 140 000 personnes risquent l’expulsion malgré 3,1 millions de logements vacants. 2,7 millions de familles sont en attente d’un logement social alors qu’il ne s’en est construit que 86 000 en 2024, « l’année la pire » d’après la Fondation pour le logement des défavoriséEs.

« Le logement, c’est l’inégalité à tous les étages », selon Oxfam France

Plus on est pauvre, plus le logement coûte cher. Pour le payer, 25 % des familles les plus pauvres — mères seules, familles nombreuses, chômeurEs, raciséEs, personnes au RSA — dépensent le double des 25 % des familles les plus riches. Ce coût dans le revenu mensuel des classes populaires peut monter jusqu’à 45 %. Car les loyers sont chers, il y a une déconnexion avec les revenus. La précarité énergétique due aux appartements passoires, peu rénovés, a également un coût important en termes de chauffage. Quant aux personnes non valides, le manque de logements adaptés leur impose le plus souvent une vie enfermée dans des appartements inadaptés, ou une vie dépendante de leur famille. Les pannes d’ascenseur à répétition participent aussi de leur exclusion.

S’ajoute à ces inégalités une discrimination raciste des propriétaires privés voire publics à l’égard des personnes racisées. La gentrification des centres villes aux loyers exorbitants favorise les ghettos de riches et l’abandon des quartiers périphériques populaires.

Des causes multiples qui se cumulent 

L’Insee a démontré que la moitié du parc privé locatif est la propriété de 3,5 % de la population. Ces maxi-propriétaires, possédant 5 logements ou plus, appartiennent pour moitié aux 0,1 % des plus riches. Ils vivent de cette spéculation juteuse. Le prix de l’immobilier a augmenté de 160 % en Ile-de-France entre 2001 et 2020. Oxfam France affirme que 3 niches fiscales existent dans le secteur du logement, qui ont rapporté 11 milliards d’euros sur 12 ans. Ce rapt financier aurait permis la construction de 70 000 logements ! La finance s’est aussi emparée du marché des résidences pour étudiants et pour seniors. Les acteurs privés peu régulés, type Airbnb, créent la pénurie et font augmenter les prix. 

Le désinvestissement de l’État a permis l’ouverture au marché, par des lois qui protègent les propriétaires, par des cadeaux fiscaux, par la baisse du ­financement du logement social et des APL. Une kyrielle de lois légalisent les expulsions et créent de nouvelles sanctions pour les occupants de bâtiments vides. La loi Kasbarian lève les derniers verrous juridiques de la protection des locataires pauvres avant l’expulsion et le recours à la force publique, et crée des sanctions pénales contre les personnes et les associations en soutien. 

Réquisition !

« Réquisitionner c’est faire comprendre aux propriétaires qu’un logement c’est fait pour loger des gens pas pour faire de l’argent », selon l’association DAL (Droit au logement). La lutte pour le logement est un enjeu crucial de classe. Il nous faut sortir le secteur des griffes du marché pour créer un secteur public du logement social sous pilotage des habitantEs. Afin de produire les logements sociaux à bas loyers nécessaires, de gagner la gratuité des premiers m³ d’eau et des premiers kWh d’électricité. Et d’adopter un plan de réhabilitation énergétique. Enfin, la réquisition des logements et bâtiments vides est une mesure d’urgence, légale, qui a déjà été utilisée. Mesure de justice sociale et mesure écologique puisqu’en utilisant d’abord les logements vacants elle évite de nouvelles bétonisations. Un coin arraché à la propriété et au profit !

Victorine Laforge