Publié le Mercredi 24 mars 2021 à 09h48.

Chez Goldman Sachs, on voudrait la semaine de 80 heures

C’est une affaire qui en apparence ne concerne pas grand monde mais qui, en fait, est significative de ce capitalisme « moderne » qui veut se donner un look cool. David Solomon, patron depuis 2018 de la gigantesque banque d’affaire étatsunienne Goldman Sachs, adore jouer les DJ sous le nom de DJ D-Sol dans les discothèques et les soirées à New York, à Miami et aux Bahamas. C’est un amateur de bonne bouffe et de grands vins. Il n’a rien d’un trumpiste bête et méchant mais, bien sûr, il choisit parmi les démocrates les meilleurs serviteurs du capital : lors des primaires de juin 2020, il a (avec d’autres financiers) déversé des millions de dollars afin de faire battre la candidate de gauche Alexandria Ocasio-Cortez (cela n’a pas marché).

Mais la modernité du patron n’empêche pas de pressurer les nouveaux et nouvelles embauchéEs comme des citrons. Dans un sondage confidentiel, 13 très jeunes analystes financiers se plaignent de leurs horaires de travail et de la pression de leurs supérieurs. Privés de temps pour manger ou prendre une douche, ils décrivent des conditions de travail « inhumaines », avec 105 heures à assurer à la chaîne par semaine, des nuits de 5 heures démarrées à 3 heures du matin. Cela se double de critiques en public, d’échéances irréalistes, de blâmes sans justification… Les 13 employés sondés souhaitent travailler un maximum de 80 heures par semaine, ainsi que le respect du couvre-feu de 21 heures le vendredi soir, comme de la journée non travaillée du samedi, sauf exception pré-acceptée.

Tout cela a fait le tour des réseaux sociaux et imposé à la direction de la banque de réagir. Des responsables ont donc rencontré les mécontents pour leur assurer que des recrutements allaient avoir lieu et que certaines de leurs tâches vont être automatisées. Mais ils ont refusé de s’engager sur le plafond de 80 heures hebdomadaires.

Tout ça se produit alors que la banque prospère : son chiffre d’affaires a progressé de 22 % en 2020 et la valeur de l’action a doublé durant les 12 derniers mois. Goldman Sachs n’hésite pas à se mêler d’affaires pas très propres du moment qu’elles rapportent et s’ingénie à recruter des personnalités qui pourront favoriser son développement : Mario Draghi, le nouveau Premier ministre italien, a été ainsi vice-président de sa branche européenne.

Tout cela n’empêche pas David Solomon de multiplier les week-ends avec le jet de l’entreprise, souvent aux Bahamas… À ce propos, un consultant new-yorkais a déclaré : « Cela semble vraiment terrible. Il y a là un aspect Marie-Antoinette ». Effectivement, cela renforce l’envie d’une bonne révolution qui envoie ce genre d’« aristocrates à la lanterne ».