Jacques Fortin, militant LGBTI, s’emploie à retracer l’histoire souvent méconnue de l’homosexualité de l’Antiquité jusqu’à nos jours afin d’en décrypter les mécanismes d’hier pour mieux comprendre nos combats d’aujourd’hui. De la prohibition à la persécution, on y apprend que les pratiques homoérotiques ont été au fil des années prises pour cibles via les religions puis pénalisées par les États modernes jusqu’à la diabolisation pure et simple de l’homosexualité. De paria à malade mental, l’histoire se déroule sous la plume instructive de l’auteur. Au fil des pages, le combat des homosexuels se dessine entre révolte et répression. Mai 68 et les temps se mettent à changer, laissant chacun jouir sans entrave et faisant sortir des abîmes du patriarcat des mots comme « libération » et « égalité ». Les luttes féministes s’entremêlent aux combats menés par les homosexuels, mais qu’en reste-t-il ? On dépénalise l’homosexualité, on sort de l’ombre pour enfin s’y retrouver plus que jamais lors de la pandémie du sida. Les discriminations se multiplient encore à l’aube du xxie siècle tandis que l’on légifère pour une égalité de droits en faveur des homosexuels. Connaître l’histoire de l’oppression et des luttes LGBTI, c’est donner du sens à nos perspectives, en posant les débats qui traversent actuellement notre société. L’émancipation est un long combat, l’avons-nous vraiment gagné ? On s’empresse de s’inscrire dans le conformisme du droit existant en oubliant parfois les enjeux de l’émancipation. L’ouvrage de Fortin interpelle alors le mouvement homosexuel lui-même : ce néo-gay-conformisme ne nous forcerait-il pas tous à intérioriser les limites d’un système ? Dans les dernières pages, on oscille entre colère et utopie face au combat contre un conformisme destructeur. Coralie Wawrzyniak Textuel, 142 pages, 10 euros