Le 17 avril, en pleine mobilisation sur les retraites, Emmanuel Macron annonçait, lors d’une intervention à la télévision, « 100 jours d’apaisement, d’unité, d’ambition et d’action au service de la France ». Il promettait alors que « le 14 Juillet prochain [allait] nous permettre de faire un premier bilan ». 100 jours plus tard, les bilans sont là, et ils sont désastreux, à un point tel que Macron, dans un éclair de lucidité (?), a renoncé à s’exprimer le 14 Juillet. Et pour cause…
Passage en force sur la contre-réforme des retraites, violences contre le mouvement social, énième projet de loi raciste, répression policière et judiciaire contre les révoltes dans les quartiers, poursuite de la fuite en avant anti-écologique et climaticide… La liste des brutalités du gouvernement est longue, et l’on ne parle même pas ici des annonces des nouvelles attaques à venir contre les conquis sociaux, entre autres une nouvelle offensive contre le code du travail. C’est cela l’apaisement selon Macron et les siens, et le moins que l’on puisse dire est que cela n’a trompé personne, malgré l’agitation du président et de ses ministres déterminés à passer à « autre chose » après la séquence de la mobilisation historique contre leur « réforme » des retraites.
La crise est toujours là
Dans un sondage publié par le Figaro le 13 juillet, on apprenait ainsi que 78 % des personnes interrogées estimaient que Macron avait « échoué » dans ses objectifs. Et ils et elles ne sont que 4 % à considérer qu’il a « tout à fait réussi » — on se demande au passage qui sont ces 4 %… Dans le même sondage, on apprenait que 65 % des personnes interrogées considéraient qu’Élisabeth Borne devait partir, de même que la plupart des membres du gouvernement, parmi lesquels Dussopt, Darmanin, Dupond-Moretti et quelques autres, à propos desquels les opinions négatives atteignent des records.
Les sondages ne disent pas tout, loin de là, et nous ne sommes pas de ceux qui en tirent des conclusions politiques. Mais force est de constater que ces chiffres confirment ce que l’on a pu voir et ressentir ces dernières semaines : la crise de légitimité du pouvoir est loin d’être terminée, et l’obstination hallucinée de Macron n’a pas eu raison de la défiance vis-à-vis du gouvernement. La gouvernance autoritaire et antisociale permet peut-être d’avancer comme des brutes et d’imposer des contre-réformes, mais cela ne convainc personne et, tôt ou tard, la situation explosera de nouveau.
100 jours pour quoi ?
Les « 100 jours » de Macron sont aussi 100 jours durant lesquels se sont enchaînées les casserolades et autres perturbations des agendas des ministres et des diverses figures de la macronie, les mobilisations écologistes, par exemple contre le TGV Lyon-Turin, les révoltes dans les quartiers populaires contre le racisme et les violences policières, etc. Mais aussi 100 jours durant lesquels les « affaires » qui plombent un peu plus le gouvernement se sont succédé, à l’image de l’emblématique gestion du fonds Marianne, dans laquelle les lamentables agissements de Marlène Schiappa ont été révélés au grand jour.
Le tout sur fond d’approfondissement de la crise économique et sociale, avec une inflation dont les conséquences continuent de violemment frapper les plus modestes, un développement exponentiel de la précarité que dissimulent mal les prétendus « bons chiffres du chômage », une crise du logement qui s’amplifie, les effets désastreux du réchauffement climatique, et une répression de plus en plus systématique de toute contestation. Et pendant ce temps-là les riches se gavent, nous méprisent, font sécession, sous les applaudissements et les encouragements du gouvernement.
Urgence anticapitaliste
Il faut être particulièrement irresponsable pour penser qu’une telle situation peut durer et se stabiliser, alors qu’elle est par essence instable et explosive. Et il faut faire montre d’une absence totale de lucidité pour ne pas voir que le cours actuel des choses, si la tendance ne s’inverse pas, est un véritable tapis rouge qui est déroulé devant une extrême droite qui ne se contente pas d’attendre son heure mais joue à fond sa carte d’alternative crédible et potentiellement plus « stable » — comprendre plus autoritaire et plus apte à mater la contestation. Et elle séduit de plus en plus, y compris du côté des grands capitalistes et de l’appareil d’État.
Les « 100 jours » de Macron ne peuvent que nous convaincre qu’il y a urgence à ne pas se résigner, à s’opposer, à résister. Urgence à reconstruire les collectifs, les solidarités, les luttes, qu’elles soient locales ou globales, et les outils de défense et d’organisation de notre classe. Urgence face aux crises sociale, climatique, démocratique, qui ne pourront que s’approfondir si nous ne prenons pas nos affaires en main, sans penser que d’autres le feront à notre place. Urgence à revendiquer et à se donner les moyens de décider, nous-mêmes, des grands choix de société, et à s’organiser pour se débarrasser d’un gouvernement illégitime et dangereux, et imposer une rupture radicale avec ce système capitaliste mortifère.