Un ennemi, un bon ennemi. Pour l’extrême droite française, l’Algérie occupera toujours une place de choix dans cette catégorie. Le conflit colonial en Algérie (1954 à 62) est certainement le conflit politico-militaire qui a le plus contribué, dans la dernière période de l’Histoire, à configurer le champ politique et idéologique en France...
C’est vrai à gauche – les forces motrices en mai 1968 s’étaient souvent formées et regroupées dans la résistance à la guerre d’Algérie, face aux hésitations du PCF et aux compromissions profondes de la SFIO. C’est encore plus vrai à droite et à l’extrême droite : du formatage de l’appareil d’État contre un « ennemi intérieur » repéré dans les banlieues (et bidonvilles de l’époque) – et littéralement massacré le 17 octobre 1961 – jusqu’à la constitution d’une base électorale importante pour l’extrême droite. Les populations d’origine européenne ayant quitté l’Algérie au moment de sa libération du joug colonial, ou « Pieds-Noirs », ont longtemps voté pour le FN bien plus que la moyenne de la population. Une des dernières manifestations de cet héritage idéologique s’est manifesté par la véritable campagne menée par presque toute l’extrême droite avant le dernier 14 juillet, en raison du fait que trois soldats algériens, mais aussi des militaires vietnamiens, devaient participer au défilé militaire sur les Champs-Élysées. Présent, le journal d’extrême droite catholique-traditionaliste, a ainsi titré le 4 juin : « Des fellouzes et des viet-minhs dans le défilé du 14 Juillet ! », appliquant ainsi à ces soldats d’aujourd’hui des dénominations utilisées il y a plus de cinquante ans pour qualifier les insurgés de ces pays alors colonisés par la France. De son côté, le député Gilbert Collard, qui siège à l’Assemblée nationale pour le FN sans en avoir la carte d’adhérent, a fantasmé dans un communiqué sur « une provocation indigne et le signe d’un très grand mépris pour les morts, disparus ou suppliciés de cette armée (algérienne) née au sein même du FLN, organisation terroriste »...
Racisme en série...Quelques jours plus tôt, le 5 juillet, le maire de Béziers, Robert Ménard (lui aussi élu avec le soutien du FN sans en être membre), s’était fait remarquer par une provocation, célébrant des morts de l’OAS, organisation terroriste qui combattait le retrait français d’Algérie en tuant des civils. Ménard prétendait commémorer les morts européens du 5 juillet 1962, tués à Oran par une foule en colère en raison d’attentats de l’OAS. Or, la stèle devant laquelle Ménard s’inclinait ne montre point de morts civils « pieds noirs », mais bel et bien des terroristes racistes de l’OAS, fusillés par le pouvoir gaulliste. Dans les semaines précédentes, une autre campagne d’extrême droite avait visé les supporters de l’équipe de football algérienne. Lors d’un match opposant les équipes algérienne et belge, le 17 juin, le Bloc identitaire avait ainsi placardé des affiches au métro Barbès à Paris : « Ton pays, c’est l’Algérie ? Retournes-y ! » Marine Le Pen demandait, elle, le retrait de la nationalité française aux binationaux supportant l’Algérie... Et enfin, rappelons qu’à Nice, gérée par une droite parfois bien extrême, Estrosi avait décidé par arrêté municipal d’interdire tous les « drapeaux étrangers » dans le centre ville, un arrêté qui visait avant tout les supporters algériens. Le « test de tolérance » n’a pu être fait pour exhibition de drapeaux allemands, l’arrêté ayant été annulé par le tribunal administratif…
Bertold du Ryon