Publié le Jeudi 13 mars 2025 à 17h00.

Algérie, le pouvoir structurant de la colonisation sur le racisme

Jean Michel Apathie, célèbre chroniqueur mainstream, a été suspendu d’antenne par la direction de RTL le 5 mars après avoir rappelé que la France avait commis des massacres pendant la colonisation de l’Algérie.

Le motif de la suspension de ce chroniqueur, peu connu pour ses positions radicales : avoir indiqué que la France a effectué « des centaines d’Oradour-sur-Glane » (en référence au massacre perpétré par la division SS Das Reich dans le village de la Loire en 1944) en Algérie. Cette simple affirmation a déclenché l’indignation sur tous les médias de Bolloré, celles de Bardella et de Ciotti qui a renvoyé Apathie à ses origines en le qualifiant d’« influenceur algérien », dans une logique proprement raciste qui empêche de comparer les crimes commis par les Français à ceux subis par eux. L’ARCOM a même été saisie. La chaîne de Bolloré n’avait pourtant pas été aussi zélée concernant Zemmour qui n’a jamais été suspendu malgré plusieurs condamnations…

La réalité historique des massacres

Apathie n’a fait que rappeler des vérités historiques sur l’invasion coloniale de l’Algérie à partir de 1830. Il a spécifiquement fait référence aux enfumades, pour lesquelles le général Bugeaud était célèbre, qui consistaient à bloquer des enfants, des femmes et des hommes réfugiéEs dans une grotte et à les asphyxier jusqu’à la mort. Il aurait également pu citer les pillages et destructions systématiques de villages ; les massacres de civilEs, les décapitations et l’utilisation du viol pour soumettre les populations. Ces crimes furent effectués dans l’objectif d’accaparement des terres et des ressources face à la nécessité de faire de la place pour octroyer les terres aux colons. Ainsi, la colonie française s’est installée dans et par le sang jusqu’à la guerre de libération, durant laquelle la France s’est également distinguée par ses crimes de guerre : punitions collectives, viols, massacres et tortures. 

Cette réalité historique est bien souvent méconnue tant il existe encore un révisionnisme colonial sur ce que fut la brutalité du colonialisme français. Refuser de la reconnaître implique que toute référence aux crimes de la France en Algérie serait une insulte « au peuple français ». D’ailleurs, le RN a emboîté le pas sur la défense de la colonisation et la surenchère raciste.

Cette suspension s’inscrit dans une aggravation des tensions avec l’Algérie, ravivées après la déclaration de Macron sur la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental.

Surenchère raciste du gouvernement

Depuis mi-novembre, la droite et l’extrême droite mènent une véritable offensive sur les accords franco-algériens qui régissent l’entrée et le séjour des ressortissantEs des deux pays depuis 1968. En premier lieu, Retailleau — en campagne pour la présidence du parti LR — a surenchéri après l’attaque du 24 février à Mulhouse en accusant l’Algérie de refuser le retour d’Algériens expulsés. Le 26 février, Bayrou a annoncé un ultimatum empreint de néocolonialisme : la révision de tous les accords sous 6 semaines si l’Algérie ne délivre pas plus de laissez-passer consulaires.

Les mêmes médias sont en boucle ; la droite et l’extrême droite à l’unisson pour réclamer la dénonciation de ces accords qui seraient injustement avantageux pour les AlgérienNEs — accord obtenu après 132 ans de domination coloniale et dont la portée a été réduite par les accords successifs.

Ce nouveau bras de fer qui mélange politiques intérieure et extérieure est un reflet de la radicalisation raciste du gouvernement qui, au risque de rompre définitivement les liens avec l’Algérie, marque une amplification de la rhétorique néocoloniale développée à des fins internes et externes. 

Édouard Soulier & Louisa D.