Les questions internationales sont de fait présentes dans la campagne. Mais, dans la manière de les traiter, il s’agit de faire croire que l’intérêt des populations est confondu avec celui de l’appareil d’État et des entreprises de la France comme puissance mondiale.
Que ce soit sur les questions européennes, de rapports commerciaux et économiques, de guerres et de « sécurité », de migrations, d’environnement et de développement, les enjeux sont masqués.
Guerre aux libertés et concurrence
François Fillon incarne la quintessence de « l’ordolibéralisme » prôné par les dirigeants de l’économie et de la politique mondiales. Les leçons qu’il tire des quinquennats précédents sont qu’il faut aller plus loin, plus fort dans leurs orientations mortifères sous la baguette de l’Union européenne. Le libre-échange des marchandises et des capitaux doit raser tous les acquis sociaux, et les logiques sécuritaires et militaires, sous couvert de « guerre contre le terrorisme », doivent en faire de même pour les libertés démocratiques et de circulation des humains. La lutte contre le changement climatique, l’aide au développement ne sont que des outils pour les multinationales françaises.
Il se veut arrangeant avec « les hommes forts » comme Poutine qui sait mater son peuple et se faire respecter des USA sans s’embarrasser. Fillon, avec les capitalistes français, voudrait maintenir l’alliance privilégiée avec la première puissance mondiale, mais en contenir les appétits pour continuer à vendre des armes et régner dans ses zones de domination comme l’Afrique.
Marine Le Pen, c’est la version d’extrême droite de la « concurrence de tous contre tous », ramenant aux années 1930 en Europe. Surfant sur les ravages subis par le tissu social, son rejet de l’Union européenne rend responsable de la crise tout ce qui n’est pas français – en premier lieu un « monde islamique » fantasmé. Cela donne un projet xénophobe, idéalisant le passé et prétendant qu’un isolat français sauverait l’emploi. Malgré des diatribes opportunistes contre les riches et pour les services publics, son programme appliqué serait pourtant celui d’un Fillon au carré, l’aventurisme monétaire en plus avec le retour au franc.
Elle a tenté de s’appuyer sur la dynamique Trump, mais commence à en subir les errements. Plus encore que Fillon, elle méprise les questions écologiques et les aspirations des peuples à se débarrasser des dictateurs comme Assad, en qui elle voit des remparts contre l’islamisme et les migrations. Ces orientations sont déclinées par Dupont-Aignan, Asselineau et Cheminade qui cherchent un espace entre Le Pen et un Fillon affaibli.
Sur les ruines du hollandisme, le retour en force du tricolore ?
Macron, dans le domaine de la politique étrangère comme dans les autres, tente de récupérer l’espace « optimiste » du social-libéralisme et du centre droit. Il veut faire croire qu’un volontarisme rajeuni dans les relations entre États comme entre « partenaires sociaux » autour de l’axe des libertés (celle d’entreprendre comme celle de s’exprimer), parviendrait à résoudre les problèmes de la crise économique, démocratique et écologique... Mais les outils de régulation que prône ce joueur de flûte sont toujours ceux des puissances établies, comme le montre l’entourage qu’il met en avant pour prouver sa stature internationale.
Hamon, prisonnier des contradictions du PS malgré ses prétentions à un réajustement à gauche de Hollande, laisse Mélenchon occuper le terrain d’une alternative au néolibéralisme et à la « guerre contre le terrorisme » sous hégémonie étatsunienne. Mélenchon se pose en reconstructeur d’une Union européenne dont les dirigeants, sermonnés par sa personnalité, accepteraient de changer d’orientation, cela sous la menace de quitter l’UE pour mener un « plan B » où la France repartiraient solo tout en cherchant de nouvelles alliances internationales.
Certaines de ses envolées pour un monde de paix, de réduction des inégalités, de services publics et de développement écologiquement durable peuvent faire mouche. Mais Mélenchon se positionne surtout en messie d’une France phare du monde, avec toute l’ambiguïté de ce que signifie cette musique : un retour en force du drapeau tricolore et de l’exaltation de la nation française qui se traduit par la défense des dernières colonies, de l’appareil militaire (y compris sa force de dissuasion nucléaire), de l’ONU, dans la mesure où la France a un siège permanent au Conseil de sécurité, du refus de la liberté d’installation des migrantEs au nom d’un volontarisme pour la paix dans leur pays d’origine…et d’une impasse sur le rôle majeur des multinationales françaises dans l’ordre capitaliste du monde.
La nécessité d’une rupture avec le capitalisme français pour imaginer changer les rapports de domination mondiaux est évacuée. Et surtout, cela l’amène à voir le monde au travers de relations interétatiques, à mépriser les luttes des peuples pour la démocratie. Ainsi en Syrie, où il reprend in fine la logique de la « guerre au terrorisme » pour insulter les insurgés, tout en maintenant la fable du rôle positif de Poutine et d’un accord durable possible avec le régime Assad.
Philippe Poutou, et de manière plus abstraite Nathalie Arthaud, sont donc les seuls dans cette campagne à défendre une politique de la solidarité internationale des peuples, contre les exploiteurs et oppresseurs de tous les pays !
Jacques Babel