Chaque soir, depuis désormais plus de deux semaines, Éric Zemmour répand sa haine sur CNews dans une pseudo-émission de débat (« Face à l’info ») taillée sur mesure. Un choix éditorial qui n’est pas sans conséquence.
Contre-vérités, provocations et anecdotes invérifiables
« La politique de Vichy n’avait pas comme conséquence l’extermination et les camps nazis » ; « On assume ses choix : soit on couche avec l’autre sexe et on fait des enfants, soit on ne couche pas avec l’autre sexe et on n’a pas d’enfants » ; « [Bachar al-Assad] n’a pas gazé son peuple, il a gazé des gens qui étaient ses adversaires » ; « Quand le général Bugeaud arrive en Algérie, il commence à massacrer les musulmans, et même certains juifs. Moi je suis aujourd’hui du côté du général Bugeaud, c’est ça être Français ! » ; « L’Algérie, avant la France, c’est un cloaque. Après des siècles de colonisation ottomane, c’est la misère, les maladies. C’est la France qui va cultiver ce pays, le développer. Aujourd’hui, ils vivent du pétrole que la France a découvert »…
Ce florilège – non exhaustif – des saloperies énoncées par Zemmour lors de ses deux premières semaines d’antenne sur Cnews donne une idée de la hauteur des « débats » qui ont cours chaque soir sur la chaîne d’info possédée par Vincent Bolloré. Et ce n’est pas la présence de « contradicteurs » qui y change quoi que ce soit, ni celle d’une « animatrice » censée « arbitrer » les débats : non seulement Zemmour est parfaitement rodé à ce type d’exercice, mais le format même de l’émission, qui fait la part belle aux « phrases choc » et au « buzz », est idéal pour lui, qui enchaîne contre-vérités, provocations et anecdotes invérifiables.
En ce sens, on ne peut que donner raison à celles et ceux qui expliquent que Zemmour est un des enfants monstrueux de la (sous-)culture télévisuelle de l’instantané, du clash et de l’audimat, grâce (?) à laquelle un idéologue d’extrême droite peut être qualifié de « polémiste », avoir un rond de serviette dans toutes les émissions de « débat », et même être embauché par une chaîne prétendument généraliste. À ce titre, on n’a guère été surpris d’apprendre, dans un article publié par le Monde le 26 octobre, que BFM-TV avait elle aussi approché Zemmour avant l’été, pour lui proposer un « face-à-face » hebdomadaire avec Alain Duhamel.
Une tribune offerte à un récidiviste
Zemmour n’est, nul n’en doute, que la partie émergée de l’iceberg. Doit-on toutefois en déduire qu’il n’y aurait pas de combat spécifique à mener contre sa présence à l’antenne et, au-delà, contre son employeur CNews ? Nous ne le pensons pas. Zemmour est un symbole et, à ce titre, une cible légitime pour toutes celles et ceux qui refusent la banalisation du racisme, de l’islamophobie, du sexisme, de l’homophobie… dans les médias dominants. C’est bien pour cela que nous souscrivons pleinement aux appels à ne pas cautionner la tribune offerte à Zemmour et les choix éditoriaux de ses employeurs qui, en le recrutant alors qu’il a déjà été condamné pour incitation à la haine religieuse et qu’il a encore récemment, lors de la « Convention de la droite », tenu un discours qui n’est rien d’autre qu’un appel à la guerre civile, savent très bien ce qu’ils font.
En 2017, lorsque Philippe Poutou avait été invité à l’émission « Zemmour et Naulleau », le NPA écrivait dans un communiqué que « nous ne souhaitons pas apporter notre caution à une émission qui, sous couvert de "rendez-vous politique et polémique", sert en réalité de tribune à un idéologue d’extrême droite, Éric Zemmour, déguisé en journaliste. » Une position qui n’a pas changé, bien au contraire. CNews a certes le « droit » de rémunérer un récidiviste et de lui offrir l’opportunité de multirécidiver, mais nous avons le droit d’en tirer les conséquences, en refusant les invitations d’une chaîne qui a fait le choix conscient de s’aligner, de plus en plus, sur l’extrême droite.