Publié le Mardi 8 décembre 2020 à 18h16.

Construire un mouvement d’ensemble contre le gouvernement

Pour la troisième fois, le samedi 5 décembre étaient appelées des manifestations autour du projet de la « loi de sécurité globale » (LSG) et en particulier contre son article 24 interdisant de filmer des policiers. Cette troisième journée a été marquée par une diminution importante du nombre de manifestants, mais aussi une répression policière sans précédent notamment à Paris. Et pourtant la mobilisation est loin d’être terminée...

Les gouvernements successifs ont   enclenché depuis plusieurs années, un tournant autoritaire et liberticide dont le maintien de l’ordre par son bras armé la police est une des facettes, la plus visible. Mais jamais ce tournant n’aura été aussi clair, qu’il l’est aujourd’hui. Cela s’associe de plus avec le projet de loi « séparatisme » qui attaque les musulmanes et musulmans, alors même que Gérald Darmanin vient de dissoudre le CCIF, le collectif contre l’islamophobie en France, une association de défense des droits. Cette dissolution se fait dans un contexte nauséabond de montée de l’islamophobie, s’associant plus que jamais à un racisme structurel donc à une islamophobie d’état dans toutes ses institutions. Mais au-delà du CCIF, cette dissolution est un précédent pour l’ensemble des organisations progressistes, qui pourraient se retrouver opposées au racisme d’État. Alors même que cette décision est extrêmement grave, peu s’en sont finalement émus ou ont pris la véritable mesure de cette décision, pire encore, certains à gauche l’ont appuyée.1

Une mobilisation massive

Sans doute le gouvernement ne s’attendait pas à une mobilisation de cette ampleur contre cette loi. Mais la question de la police a pourtant depuis longtemps dépassé les seuls milieux militants, la répression du mouvement des Gilets Jaunes, les meurtres policiers aux États-Unis, la mobilisation des militantes et militants des quartiers populaires a conduit à rendre la violence de la police illégitime pour une partie conséquente de la population en particulier les plus jeunes. Cela ne veut sans doute pas dire que derrière Defund the police, il y a une idée directement abolitionniste, que ces mouvements ne sont pas traversés par leurs contradictions, mais la violence étatique n’est plus cachée, et quand l’état veut la renforcer au travers de la LSG, c’est presque spontanément que massivement les jeunes, les travailleuses et travailleurs sont descendus dans la rue.

Cette mobilisation montre au moins deux choses : qu’entre autres une partie non négligeable de prolétariat est disponible à se mobiliser y compris dans un moment de renforcement des privations de libertés et d’aggravation de la pandémie et que les mobilisations de masse continuent de se produire en grande partie en dehors des organisations du mouvement ouvrier traditionnel. Ce qui ne veut pas dire que ces organisations ne sont pas présentes mais elles ne sont ni le déclencheur, ni ce qui organise le mouvement.

Une mobilisation qui s’essouffle ?

La mobilisation de ce samedi a vu des chiffres vraiment faibles au regard de ceux de la semaine précédente et ce dans l’ensemble des villes. De plus, la violence inouïe, si elle n’est pas nouvelle va en partie décourager les moins déterminés.

Pourtant, il faut mesurer cet essoufflement. Aucune mobilisation ne peut tenir dans la durée et encore moins gagner sans s’organiser. Hors l’organisation de cette mobilisation est très faible. Il n’existe à ce stade que peu de comités ou collectifs locaux, même si des mobilisations locales commencent à émerger. Le cadre unitaire n’est pas assez large dans le sens où les relais sont faibles. Pire dans de nombreuses villes, les organisations construisent des cadres divisés, c’est pourquoi le 5 décembre a vu plusieurs manifestations comme à Toulouse, Bordeaux ou Avignon, avec d’un côté les manifestations sur la précarité et de l’autre les manifestations sur la LSG.

Enfin sur la question de la violence qui a eu surtout lieu à Paris. Pour nous, la violence est toujours du côté de l’État. Il n’y a pas de débat là-dessus. Par contre, il faut questionner la stratégie autonome, qui est une stratégie qui va forcément réduire le mouvement, alors qu’au contraire il faudrait l’élargir et le massifier.

Une mobilisation qui doit gagner

Au contraire de penser qu’après une journée désastreuse la mobilisation est morte, il faut construire un plan de bataille pour gagner. Car si cette mobilisation ne gagne pas sur le retrait de la loi, non seulement, cela aura des conséquences en termes d’accumulation des défaites, mais surtout cela aura des conséquences concrètes et matérielles, sur nos possibilités de mobilisations et d’organisation à l’avenir.

Ce qu’il nous faut, ce sont donc des cadres de front unique qui regroupent largement l’ensemble des organisations du mouvement ouvrier, du mouvement antiraciste et du mouvement féministe (le rapport à la police pour les femmes et les personnes racisées ne doit pas être sous-estimé). Nous devons donc appeler à des réunions les plus larges possibles sur ces bases. Mais, une mobilisation ne se construira jamais seulement par en haut. Dès aujourd’hui il faut construire des cadres d’auto-organisation dans chaque quartier pour construire la mobilisation.

Nous avons des dates sur lesquelles nous appuyer, le samedi 12 décembre contre la loi séparatisme dont le lien entre ces deux mobilisations devrait être clair, et la mobilisation du 18 décembre de la marche des sans-papiers. C’est à partir de ces dates que nous pourrons faire converger pour construire un mouvement d’ensemble.