Publié le Mercredi 22 mars 2023 à 09h15.

Crise de régime

«Gagner un vote ne peut pas être présenté comme une défaite », a déclaré Emmanuel Macron au lendemain du rejet de la motion de censure, à neuf voix près, par l’Assemblée nationale. Et pourtant : il faut être particulièrement obstiné ou de mauvaise foi — ou les deux — pour vouloir prétendre que le pouvoir sortirait victorieux de la récente séquence parlementaire. 

Le gouvernement a été incapable d’obtenir une majorité sur son texte à l’Assemblée. La réforme des retraites est ultra-minoritaire dans le pays. La « popularité » de Macron est à des niveaux ridiculement bas. Et il n’a échappé à personne qu’un nombre important de députéEs de la « majorité » étaient absents lors du vote de la motion de censure.

Mais les institutions de la 5e République permettent à peu près tout. Et c’est ainsi qu’une décision aussi fondamentale que le report de l’âge de départ à la retraite et l’allongement de la durée de cotisation a pu être prise sans que le texte soit adopté par l’Assemblée nationale, dont l’élection n’est pourtant pas non plus un parangon de démocratie.

Rarement le caractère antidémocratique de la 5e République, née d’un putsch et qualifiée en son temps, par un certain François Mitterrand, de « coup d’État permanent », aura été autant mis à nu. Le 49.3 et le rejet de la motion de censure, loin d’avoir calmé les jeunes et les salariéEs au nom d’une « légitimité » fantasmée par les petits soldats de la Macronie, n’ont en rien entamé leur détermination, et les revendications démocratiques se sont ajoutées à celles sur la défense de nos retraites.

La crise politique est profonde, et elle exprime en réalité une véritable crise de régime, avec un personnel politique et des institutions usées et incapables d’obtenir le consentement d’une fraction suffisamment significative de la population pour faire passer leurs contre-réformes.

D’une telle crise peuvent sortir le meilleur comme le pire. Une issue positive passera par une victoire sur les retraites, mais aussi par une remise en question des institutions de la 5e République elles-mêmes. Il est plus que jamais temps de porter le projet d’un tout autre fonctionnement démocratique, d’envisager ce que serait une société dans laquelle le pouvoir est effectivement exercé par la majorité, et non confisqué par une minorité au service des intérêts capitalistes. Il est plus que jamais temps de donner corps et contenu au slogan qui se répand : la vraie démocratie, elle est ici !