Publié le Vendredi 21 mars 2014 à 08h58.

Crise politique : le régime présidentiel mis à mal

Maladresse de communication, couacs, amateurisme, disent les commentaires, toujours est-il que le gouvernement a réussi à se mettre en position de faiblesse alors que l’UMP et surtout Sarkozy étaient au cœur du scandale. Amateurisme ou multiplication des symptômes d’une crise politique plus profonde ?

«Non, je n’ai pas menti », « Non, je ne démissionne pas », martelait Christiane Taubira, la garde des Sceaux après le conseil des ministres, en réponse à un Copé trop content de jouer la diversion : « il n’est pas possible qu’elle reste en fonction. »

N’avoue jamais...Démentie par le Premier ministre, la garde des Sceaux a dû reconnaître qu’elle avait eu connaissance fin février des écoutes sur Sarkozy, tout en affirmant qu’elle n’en connaissait ni les dates ni le contenu... en brandissant des documents publiés par le Monde qui prouvaient le contraire ! Au final, la version officielle a été énoncée par le Premier ministre : on savait tout, mais on ne savait rien... Quant à Valls, il n’a jamais rien su... Apparemment, au gouvernement, c’est comme dans la mafia : une seule règle, le silence.Selon la formule d’un commissaire rapportée par la presse, « rien n’est formalisé, car tout est illégal », et c’est bien là leur problème. Aucun ministre ne pouvait prendre la responsabilité d’assumer l’évidence, le pouvoir savait, parce qu’aucun ne voulait prendre sur lui d’être accusé d’utiliser la justice pour déstabiliser Sarkozy et l’UMP. Et surtout pas Christiane Taubira, cible de la droite déjà mise en cause début février après une tentative de mutation du procureur général de Paris proche de Sarkozy.

De Paul Bismuth à Bygmalion en passant par BuissonOn apprend au passage que les deux juges chargés d’enquêter sur l’éventuel financement libyen de la première campagne présidentielle de Sarkozy avaient « découvert des faits nouveaux » qui étayent les soupçons de trafic d’influence. On apprend aussi que Sarkozy avait un portable au nom de Paul Bismuth, ancien ami de lycée de son avocat, Thierry Herzog, ce qui lui permettait d’échanger avec ce dernier en toute discrétion. Sarkozy est plus méfiant vis-à-vis de la justice qu’il ne l’était vis-à-vis de son ami Patrick Buisson !Le voile se lève sur les pratiques du petit monde de la Sarkozie. Après que le Point a mis sur la place publique les petites faveurs de 8 millions d’euros que Copé faisaient à ses amis en prenant dans les caisses de l’UMP, on apprend que la même société, Bygmalion, doit plus d’un million d’euros à l’Éducation nationale.Sarkozy, Copé and co ont bien du mal à rendre crédible la théorie du complot dont ils seraient les victimes. Ils cherchent surtout à utiliser la bêtise d’un pouvoir qui, lui-même trop empêtré dans ses magouilles, se prend les pieds dans le tapis...

La république et le président du fricFrançois Hollande a su garder dans la tempête toute la hauteur présidentielle : « La justice passera et je dois faire en sorte qu’elle puisse être incontestable parce qu’elle ne peut pas être contestée »... Une pensée profonde qui élude les questions en débat. Lui aussi ne savait rien et ne dira rien, en particulier sur l’avenir de Taubira au gouvernement et sur le remaniement ministériel annoncé pour après les municipales. Un remaniement qui ne changera rien. Le futur gouvernement sera porté sur les fonts baptismaux de l’échec aux municipales, des affaires, des mensonges, des coups bas qui font l’essentiel du débat politique entre l’UMP et le PS et en leur sein. Le reste est, de tout façon, décidé ailleurs, dans les conseils d’administration des multinationales et des banques. La dictature de la finance fait de la corruption, appelé aussi trafic d’influence, la règle d’or de l’exercice du pouvoir avec au sommet un président qui concentre tous les pouvoirs et manie en permanence le double langage et le mensonge. C’est le règne de la politique unique contre les travailleurs, contre la population.Tout cela se fait pour le plus grand bénéfice du Front national, à moins que, de mauvais coups en scandales, le monde du travail rompe avec la passivité pour demander des comptes, taper du poing sur la table pour exiger son dû et imposer sa propre démocratie contre les puissances de l’argent et leur serviteurs, de gauche, de droite ou d’extrême droite.

Yvan Lemaitre