Publié le Vendredi 28 février 2014 à 11h42.

Dassault, la réalité qui dépasse la fiction

L’affaire de corruption autour de Serge Dassault dans sa ville de Corbeil-Essonnes (91) aurait toute sa place dans le scénario d’une série policière. Pourtant les faits, largement documentés dans la presse, y compris dans les pages de ce journal  sont bien réels.

Concernant le transfert par Dassault de 18 millions d’euros vers une société au Liban, les juges en charge du dossier estiment que la somme de 7 millions serait revenue en France pour être distribuée à une série de jeunes : de l’argent pour acheter la paix et des voix dans les quartiers populaires de Corbeil. On a du mal à mesurer les dégâts que cela a pu créer : jalousies (de ceux qui n’ont pas été « arrosés »), casse des solidarités, méfiance et peur après la tentative d’homicide contre une personne qui a dénoncé le système.

Cette affaire nous rappelle aussi la solidité des réseaux de solidarité au sein de la classe dirigeante – entre gros patrons, propriétaires de journaux, PDG des chaînes de télé et hommes politiques de droite et de gauche. « 85 capitalistes possèdent autant que la moitié de la planète », écrivions-nous le mois dernier, avec tout ce que cela signifie en termes de pouvoir, pour eux et leurs complices. Avec Dassault et ses 12,8 milliards d’euros, 5e fortune française et 69e mondiale, on est en plein dedans !

Intouchable ?L’affaire est maintenant sur la place publique depuis des mois, mais Dassault reste intouchable. Le Sénat (avec une majorité de gauche !) a enfin levé son immunité parlementaire (avec l’abstention de la droite quand même !), après l’avoir refusée par deux fois. Mais les grandes chaînes de radio et de télé reprennent en chœur les explications ridicules de Dassault. Par le passé, c’est Manuel Valls qui a affirmé partager des valeurs avec Dassault. Aujourd’hui, c’est Jean-Yves Le Drian qui confirme le soutien du gouvernement, avec l’annonce d’un milliard d’euros pour la modernisation du Rafale.Alors quoi faire ? Espérer une opération mains propres à l’italienne ? Non. Se résigner devant un constat de « tous pourris » ? Encore moins. La rapacité et la corruption auxquelles on assiste ne sont pas le fait de quelques brebis galeuses et encore moins d’une nature humaine immuablement égoïste. Elles sont ancrées dans la logique même du capitalisme. C’est donc tout le système qu’il faudra foutre en l’air : reconstruire la confiance des millions de gens qui sont écœurés par ce qui se passe et tracer des perspectives pour y arriver.

Ross Harrold