Par leur corruption et leur politique ethniciste, les élites du pays plongent le Sud-Soudan dans un nouvel abîme de violence.
Depuis sa séparation avec le Soudan en juillet 2011, le pays n’a connu que des guerres civiles, d’intensité plus ou moins forte. Depuis huit mois, Riek Machar, vice-président, comparaît devant un tribunal sous plusieurs chefs d’inculpation tels que crimes contre l’humanité, rébellion et trahison.
Une guerre permanente
Il est accusé notamment d’avoir incité l’armée « blanche », une milice réputée proche de son organisation, le Sudan People’s Liberation Movement-in Opposition (SPLM-IO), à attaquer la caserne de Nasir, une ville de l’État du Nil Supérieur, causant ainsi la mort de plus de 250 militaires. Les opérations de représailles lancées par le président du Sud-Soudan, Salva Kiir, ont pris pour cible les civils et provoqué la fuite de dizaines de milliers de personnes. Les accords de paix de 2018, censés mettre fin à la guerre civile, n’ont jamais été réellement appliqués. Les affrontements n’ont eu de cesse de se poursuivre des deux côtés.
Le procès contre Riek Machar ainsi que plusieurs dirigeants du SPLM-IO est considéré comme une rupture de cet accord de paix, d’autant qu’il s’accompagne de violents bombardements aériens contre les centres de cantonnement des troupes de cette organisation, qui devaient être intégrées. Ces combattants se sont dispersés à travers le pays et n’ont désormais d’autre choix que de reprendre la guérilla. Cette situation est préoccupante, car une alliance s’est créée entre le SPLM-IO et une autre milice, la National Salvation Front (NSF) de Thomas Cirilo, qui risque de faire basculer le pays à nouveau dans une guerre civile généralisée.
Ethnicisme et corruption
Pour Salva Kiir, le but est de se débarrasser de l’opposition. Il a réussi à débaucher quelques dirigeants du SPLM-IO pour maintenir la façade d’un gouvernement d’union nationale. Sa préoccupation est d’assurer sa succession et de transmettre le pouvoir à Benjamin Bol Mel, homme d’affaires intime du clan familial de Salva Kiir, déjà nommé vice-président. Une telle politique ne fait qu’enferrer le pays dans une situation conflictuelle.
Depuis sa création, les élites à la tête du jeune État n’ont eu de cesse d’instrumentaliser les divisions ethniques en utilisant leur communauté d’appartenance : Riek Machar pour les Nuer, Thomas Cirilo pour les Bari et Salva Kiir pour les Dinka. Dans le même temps, la situation économique est désastreuse. Les exportations de pétrole du Sud-Soudan sont bloquées à cause de la guerre au Soudan et surtout les fonds du pays sont détournés à grande échelle.
C’est ce qu’indique un rapport de la commission des droits de l’homme de l’ONU, qui se départit de son langage diplomatique pour dénoncer une « prédation éhontée ». Le rapport cite Bol Mel, le dauphin de Salva Kiir, coupable d’un détournement de deux milliards de dollars destinés aux infrastructures routières. Autre exemple : le ministère de la Santé n’a touché que 19 % de son budget, soit 29 millions de dollars, tandis que celui des affaires présidentielles dépasse sa dotation de 584 %, soit 557 millions.
La seule solution pour la paix est que les populations, toutes communautés confondues, se débarrassent de ces fauteurs de guerre.
Paul Martial