Après la défaite de Valls à la primaire du PS, Jean-Luc Mélenchon a publié une tribune intitulée « Valls valse : encore une victoire du dégagisme », et de se réclamer de la révolution tunisienne et des manifestantEs qui, en 2011, scandaient « Dégage ! » à l’adresse de Ben Ali. Depuis, le « dégagisme » est à toutes les sauces dans les médias.
En fait, le terme a, semble-t-il, pour la première fois été élevé au rang de concept en 2011 par un collectif belge qui a publié un Manifeste du dégagisme dans lequel on trouve cette phrase : « Il s’agit de dire à celui qui a le pouvoir de partir sans dire qu’il y a mieux, sans vouloir être à sa place. Simplement dire “dégage” et assumer le risque du vide, contempler ce vide, voir ce qui se passe avec ce vide. »
Certes, c’est un plaisir de voir dégager Hollande et Valls qui ont matraqué les manifestations contre la loi El Khomri et gouverné en fidèles valets du patronat. Ce serait également un plaisir de voir dégager Fillon, le catholique proclamé surpris à mettre ses doigts dans le pot de confiture pour s’accaparer encore plus d’euros. Mais au-delà de ce plaisir, quel est l’objectif et les moyens qu’on se donne ?
Dégager les tenanciers du pouvoir est évidemment une étape indispensable, mais il faut simultanément changer le pouvoir et « révolutionner la société », comme le dit le premier manifeste du NPA. Pour cela, pas de mystère : il ne suffit pas qu’un « insoumis » s’installe à l’Élysée, même s’il promet de modifier la Constitution. Dégager ceux qui sont au gouvernement, ce n’est d’ailleurs pas accéder au pouvoir car celui-ci ne se trouve pas à l’Élysée mais dans les conseils d’administration, les états-majors militaires, chez les hauts fonctionnaires… Il n’y aura rien, ou pas grand-chose, si le peuple ne part pas lui-même à l’assaut de ces Bastilles. De Mitterrand en 1981 à Syriza en Grèce en 2015, les expériences sont éclairantes.