Publié le Dimanche 5 octobre 2025 à 18h00.

Ernest Mandel : un exemple pour les révolutionnaires

Le dernier congrès du NPA l’anticapitaliste a acté le rattachement de notre organisation à la 4e Internationale, renouant avec l’une des orientations de la Ligue communiste révolutionnaire, formation matricielle du NPA. À l’occasion du trentenaire de la mort d’Ernest Mandel, théoricien majeur et dirigeant du secrétariat unifié de la 4e internationale, le comité de rédaction de la revue propose un dossier pour initier le débat sur l’actualité de ses analyses.

Connaître quelques traits de la vie de Mandel doit nous guider dans l’appréhension de son héritage : de fait, si la personnalité entière est engagée dans le processus révolutionnaire, c’est que la participation à la grande histoire par les petites tâches du jour s’appuie sur une articulation étroite de la vie intime, personnelle, à la vie militante.

Un parcours révolutionnaire complet

Ernest (Ezra) Mandel, grandit à Anvers dans une famille bourgeoise liée aux milieux révolutionnaires européens. Après avoir soutenu avec enthousiasme le mouvement spartakiste en 1919, son père, diamantaire aisé, s’était retiré de l’activité politique tout en conservant une forte sociabilité militante à travers l’accueil des révolutionnaires en exil. Pour l’adolescent Mandel, c’est ainsi aussi bien la lecture des classiques de la littérature européenne que l’influence de Besser, un des fondateurs de la 4e Internationale déporté pour ses activités politiques que son père accueillait, qui sont décisives dans son engagement, alors que le fascisme submerge l’Europe.

Dans le tumulte, Mandel acquiert les responsabilités les plus hautes du mouvement trotskiste malgré son jeune âge. Il rejoint dès 1939 le Parti socialiste révolutionnaire (PSR), la section belge de la 4e Internationale et dirige l’organisation dès 1941. Dans l’Internationale, il est élu au Secrétariat International en 1946 : proche de Pablo lors de sa scission de 1953, il s’en est ensuite nettement distancié quand il constitue en 1963 le secrétariat unifié : il sera jusqu’à sa mort une figure dominante de la 4e Internationale. Loin d’être seulement un homme d’appareil, Mandel sut se montrer actif dans les cadres de masse. En devenant l’un des plus proches conseillers de Renard, le dirigeant de l’importante centrale syndicale de la FGTB, il prend notamment une part active à la grève générale de 1960.

Sa position l’amène à rencontrer d’importantes figures du marxisme, et notamment de l’économiste Rosdolsky, émigré aux États-Unis, ou Georges Novack, intellectuel majeur du SWP. Assumant le rôle d’un véritable gardien de la tradition militante du marxisme, il se propose d’œuvrer à l’actualisation du capitalisme et de ses crises en insistant sur la centralité de l’analyse économique et en proposant une redéfinition de la dialectique, qu’il oppose aux apports théoriques et rivaux de marxistes non-trotskystes et aux mouvements anti-autoritaires.

Situer pour actualiser : quels apports pour demain ?

Les théorisations comme l’expérience de Mandel constituent une source importante à laquelle nous pouvons puiser, et si son œuvre et sa trajectoire militante sont indéniablement remarquables, la diversité de notre organisation et notre objectif de nous construire à travers « le meilleur du mouvement ouvrier » nous invite également à rapporter les contributions de Mandel à des travaux plus contemporains pour les enrichir, comme il le faisait lui-même, voire les amender, et faire en sorte de se les approprier en cohérence avec nos orientations de demain.

En conséquence, à l’amorce de cette discussion, le dossier reflète une diversité de sensibilités, diversement fidèles et diversement critiques, parfois si empreintes de ses travaux qu’elles en semblent indissociables, mais dont aucune ne fige le débat ou ne se veut hégémonique, quant à l’appréciation de l’actualité de sa pensée sur un ensemble de thématiques que nous avons sélectionnées pour leur importance dans sa production théorique.

Le caractère doctrinalement unifié des travaux de Mandel doit nous engager à une relecture critique et à de nécessaires harmonisations, tant sur la place des prolongements reconnus dans notre organisation, mais issus du marxisme dit « occidental » par ses opposants dont Mandel, sur les stratégies antifascistes et antiracistes qui ont été au cœur des élaborations les plus récentes de notre organisation sans se fonder sur ses analyses, sur la caractérisation des États communistes ou encore de la période actuelle du capitalisme. 

Ce dossier est donc une invitation au débat et à la discussion, en vue d’une homogénéisation future, que nous espérons continuer à accueillir dans notre revue.