Malgré l’ampleur des cadeaux aux patrons, Bruxelles et Berlin trouvent que, dans son budget 2015, Hollande n’en fait pas assez dans le sens de l’austérité. Une querelle entre gens pourtant d’accord sur l’essentiel.
Depuis l’entrée en vigueur du traité budgétaire européen (TSCG), les États-membres de l’Union européenne sont, avant discussion dans leur Parlement, forcés d’adresser leurs projets budgétaires à la Commission européenne, commission qui peut leur faire des observations, demander des ajustements, voire des sanctions s’ils refusent d’obtempérer. Hollande s’en plaint maintenant, mais en octobre 2012, sous son impulsion, les socialistes ont ratifié (avec l’UMP) ce traité que dans sa campagne électorale, il s’était pourtant engagé à renégocier...Il est clair que les projets budgétaires de Hollande étaient hors des clous par rapport aux règles sur la réduction des déficits publics. Paris affichait sur un déficit de 4,3 % fin 2015 tandis que le retour à 3 % est une fois de plus reporté (à 2017). En fait, les projets transmis par le gouvernement prévoient bien une réduction des dépenses de 21 milliards d’euros mais diverses mesures, en premier lieu les cadeaux consentis au patronat, réduisent les recettes. D’où le déficit prévu de 4,3 %.La clique HVM (Hollande-Valls-Macron) espérait que les largesses vis-à-vis des patrons attendriraient le cœur de la Commission de Bruxelles et du gouvernement allemand. Pour ce qui est de la Commission, ce n’est pas le cas : celle-ci a adressé une lettre de remontrances au gouvernement français. Hollande a refusé sa publication : c’est ridicule car la lettre a été publié par Mediapart, mais cela traduit bien une conception de la politique, fondée sur le secret et les arrangements pas clairs.
Manœuvres, pressions et compromisPour faire pression sur Bruxelles, Macron et Sapin ont été dépêchés à Berlin pour « dealer » avec les Allemands. Grosso modo, la France s’engage à poursuivre ses réformes libérales, et l’Allemagne couvre Paris auprès de Bruxelles. Pour montrer leur zèle, Macron et Valls ont affiché leur intention de modifier l’indemnisation des chômeurs, montrant qu’ils étaient prêts à faire ce que les Allemands ont déjà réalisé. Par ailleurs, pour soutenir la croissance à nouveau en panne dans la zone euro, les deux pays ont discuté d’un plan d’investissements. Le gouvernement allemand a reconnu que des investissements supplémentaires seraient sans doute nécessaires mais n’a pris aucun engagement. La Commission doit, elle, montrer qu’elle défend la position de « petits » pays de la zone euro, qui ont dû mener des politiques d’austérité drastiques et ne voient pas pourquoi des concessions seraient faites à la France.Face à cela, Hollande a commencé par dire qu’il ne changerait pas le budget. Puis Sapin a pris sa calculette et déclaré qu’il avait trouvé 3,6 milliards, permettant d’afficher un déficit de 4,1 % du PIB. On pourrait rigoler de ce tour de prestidigitation, mais cela illustre le caractère de plus en plus obscur et antidémocratique du débat budgétaire. Le gouvernement monte au créneau pour économiser environ 800 millions d’euros d’allocations familiales mais sort brusquement des milliards de son chapeau. Sapin a immédiatement rassuré les patrons : « Nous ne touchons pas aux engagements du Pacte de responsabilité, ni aux 21 milliards d’économies programmées ».On ne sait pas quels seront les épisodes suivants, mais tout cela finira probablement par un compromis avec Bruxelles sur le budget français, et des déclarations d’intention plus ou moins précises sur un programme d’investissements. L’essentiel est ailleurs : Hollande répète jour après jour qu’il ne déviera pas de sa politique pro-Medef. La zone euro, elle, est en stagnation, voire à la veille d’une nouvelle récession.
Henri Wilno