Publié le Mercredi 19 septembre 2018 à 15h57.

Fête de l'Humanité : pour le PCF, c’est quand qu’on va où ?

Si cette nouvelle fête de l’Humanité a une fois de plus aligné une affiche musicale de qualité, le PCF, à quelques semaines d’un congrès important, a plus de difficultés à composer… Ainsi, lors de son discours de samedi dernier, la partition de Pierre Laurent était un peu hésitante, entre « nouvelle » thématique écologiste et recherche (désespérée ?) de partenaires…

Pour qui en douterait, la campagne européenne est bel et bien lancée. Il est en effet difficile de ne pas voir, dans les appels du pied lancés par la direction du PCF, la volonté de sortir le parti de son futur solo électoral depuis que Mélenchon et La France insoumise (LFI) lui ont tourné le dos. Le PCF a encore un large milieu, comme le montrent une nouvelle fois les allées très fréquentées de cette fête de l’Humanité et les débats organisés, notamment à l’Agora de la fête. Pour autant, depuis la fin en eau de boudin du Front de gauche et les fâcheries, souvent sur la place publique, avec Mélenchon, le parti a du mal à rebondir et à enrayer un déclin engagé maintenant depuis plusieurs décennies. Aussi, en l’absence des députéEs de LFI froissés par un tweet de Ian Brossat (tête de liste du PCF pour les européennes), Pierre Laurent s’est employé à tendre la main à qui veut bien s’en saisir.

Le secrétaire du PCF a développé de façon un peu nouvelle la question écologique, la défense de la planète étant contradictoire avec le système capitaliste : « La concurrence ne vaut rien pour la planète. […] Il ne faut pas séparer combat écologique et social. » Si cela est tout à fait juste, on ne pourra s’empêcher de penser que ces considérations, qui ont structuré toute la première partie du discours de Pierre Laurent, ne sont pas dénuées d’arrière-pensées (Génération-s et EÉLV étaient tous deux bien représentés lors de ce discours). De plus, si le constat est juste, les réponses sont, comme bien souvent, très en deçà des mesures de rupture indispensable pour construire « l’écommunisme » dont s’est revendiqué Pierre Laurent samedi : de nouveaux droits à une alimentation de qualité, à des transports non polluants, oui, mais comment ?

Au-delà des références à la « mythologie » du PCF, cette année Ambroise Croizat et une Sécurité sociale posée en acte communiste, le parti a bien du mal à définir une orientation. Orphelin, à la fois en raison de la fin du Front de gauche et de la quasi-disparition du partenaire historique socialiste, sous la pression de l’influence de La France insoumise, Pierre Laurent dit ne pas se résoudre à la division « à gauche », et veut son parti « ouvert aux coopérations politiques ». Mais, en l’absence de contenus programmatiques précis, tout cela reste pour le moins bien hypothétique.

Le NPA à la fête !

Si Pierre Laurent a fait attention à ne pas attaquer de front Mélenchon et LFI, les militantEs et sympathisantEs avec qui nous avons pu discuter dans les allées de la fête (en particulier devant le stand du NPA), étaient plus directs... Ainsi revenait le sentiment de s’être fait avoir (une nouvelle fois ?) en ayant servi de marchepied à un dirigeant venu du PS, avec des critiques pour le moins appuyées concernant ses positions souverainistes ou protectionnistes, ou celles portant sur les migrantEs. À tout cela s’ajoutaient dans les discussions une vague aspiration à « l’unité », la volonté d’être « ensemble », le regret de la « division » qui, à la différence de la période du Front de gauche, n’était pas tourné de façon agressive contre le NPA…

C’est dans ce contexte que, comme chaque année, nous avons tenu un stand durant les trois jours de la fête, avec en point d’orgue la journée de samedi. Dans le tract que nous avons distribué devant notre stand, nous avons écrit qu’« il faudra un grand mouvement de grève, de nombreux secteurs, qui bloque l’économie et oblige patronat et gouvernement à reculer ». C’est en particulier pour cela que nous avons organisé un forum des luttes et des résistances où ont pris la parole devant un public nombreux des militantEs de différents secteurs (une cheminote de la région parisienne, une militante à l’hôpital de Toulouse, un postier en grève du 92, deux jeunes mobilisés contre la sélection et la répression) ainsi qu’un membre du collectif des sans-papiers Paris 20e. C’était aussi le sens de l’intervention de Philippe Poutou, largement consacrée à cette rentrée contre l’offensive macroniste. 

À ses côtés, Olivier Besancenot l’avait précédé en rappelant notamment ce que l’internationalisme signifie en matière de solidarité avec les migrantEs : pas de place pour les hésitations, encore moins pour des reculs devant la pensée réactionnaire. Accueillir ici, cela signifie bien que personne ne peut imposer de rester là-bas, de ne pas bouger… Car comme nous l’avons aussi écrit dans notre tract, « il faut clarifier un certain nombre de positions politiques à gauche. […] Il faut nous battre pour gagner la liberté de circulation et d’installation pour les migrantEs. »

Remercions ici celles et ceux qui sont venus nous présenter leur travail lors de rencontres-signatures passionnantes, devant un public qui n’a pas manqué à l’appel : la blogueuse, autrice de BD, féministe (et révolutionnaire !) Emma, qui nous avait déjà fait partager ses engagements lors de notre dernière université d’été ; la sociologue Monique Pinçon-Charlot et le dessinateur Étienne Lécroart qui nous ont présenté leur dernière œuvre commune – à la fois informative et drôlissime – consacrée au procès Cahuzac qu’ils ont suivi de très près.

Enfin, nous ne serions pas complets si nous omettions de parler du succès des deux soirées musicales de vendredi et samedi, « Marx, Engels, Lénine et Beyoncé », devenues un rendez-vous politico-disco (à moins que ce ne soit l’inverse…) incontournable. Car, comme le disait une autre Emma (Goldman), « si je ne peux pas danser, je ne veux pas prendre part à votre révolution ». 

À l’année prochaine ! 

Manu Bichindaritz