Au nom du père, de la fille et de la petite-fille ? Dans la famille Le Pen, nous demandons… de préférence, personne ! Alors que la stature publique du fondateur et « président d’honneur » du Front national, Jean-Marie Le Pen, est mise en cause à l’intérieur même du FN, le vieux patriarche de l’extrême droite française mise sur sa petite-fille... pour concurrencer sa fille Marine.
Ainsi, en renonçant lundi 13 avril à la candidature en région PACA aux élections régionales de décembre 2015 – où il comptait figurer comme tête de liste –, Jean-Marie Le Pen a tenté de favoriser la candidature de sa petite-fille. Celle-ci a de fortes chances de l’emporter lors de l’investiture des têtes de liste prévue ce vendredi 17 avril, même si les choses se sont un peu compliquées dans la mesure où Bruno Gollnisch a lui aussi annoncé entre-temps ses ambitions. Le candidat malheureux à la présidence du parti, battu à plate couture par Marine Le Pen lors du vote des adhérentEs en 2010, ne devrait cependant pas avoir beaucoup de chances d’obtenir la place de tête de liste.
Des mots qui ne sont pas un détailC’était « l’interview de trop », ou plus exactement les deux interviews de trop. Les récentes tensions au sein de la direction du FN, bien réelles et pas uniquement mises en scène comme certainEs veulent le croire, démarrent en effet de deux entretiens que Jean-Marie Le Pen avait accordés aux médias. Le fasciste vieillissant, bientôt âgé de 87 ans, avait d’abord répondu aux questions du journaliste à sensation Jean-Jacques Bourdin sur BFM TV le 2 avril. À cette occasion, une question du journaliste avait relancé la polémique sur l’affaire dite « du détail », en référence à des propos que Jean-Marie Le Pen avait tenus sur RTL le 13 septembre 1987, propos réitérés à Munich (en présence de l’ancien Waffen SS allemand Franz Schönhuber) le 5 décembre 1997. Fidèle à lui-même, Jean-Marie Le Pen avait confirmé à Bourdin qu’il avait bien eu raison à l’époque, et qu’il avait bien exprimé le fond de sa pensée...Puis il avait remis de l’huile sur le feu en accordant une interview à Rivarol dans son numéro du 9 avril, un journal ouvertement pétainiste et antisémite. Il y dit par exemple : « Je n’ai jamais considéré le maréchal Pétain comme un traître », ou encore « Je comprends tout à fait qu’on mette en cause la démocratie, qu’on la combatte »...
Se tourner vers l’avenir ?Jean-Marie Le Pen était sans doute honnête sur au moins un point : il disait bien, là, ce qu’il pense réellement. Cependant, c’en était trop pour le noyau dirigeant actuel du FN. Ceux-ci pensent – comme la génération montante autour de Bruno Mégret, à l’époque numéro deux du FN, chassé par Jean-Marie Le Pen il y a une quinzaine d’années – qu’il est inutile de se battre pour la réhabilitation du passé (le fascisme historique), mais qu’il faut se tourner vers les questions d’avenir... Marine Le Pen et son compagnon Louis Aliot, vice-président du FN (selon lequel « notre diabolisation ne tient qu’à notre présomption d’antisémitisme ») pensent réellement qu’il faut cesser de remuer ce passé, puisque ça n’apporte rien de bon au FN. Ainsi, ils sont prêts à ranger l’expression ouverte de l’antisémitisme dans les outils du passé. Au contraire, Jean-Marie Le Pen pense que céder sur la question de l’antisémitisme, c’est s’aplatir « devant le Système », et donc renoncer à toute perspective de détenir le « vrai » pouvoir.
Bertold du Ryon