La situation est paradoxale pour un Front national qui vient de réaliser le meilleur résultat de son histoire (10,6 millions d’électeurs), mais qui semble depuis plongé dans une crise stratégique et politique inextricable comme s’il avait connu une défaite.
Le FN est secoué depuis quelques mois par les affrontements (de moins en moins internes) entre le clan « libéral-identitaire » du secrétaire général Nicolas Bay et le clan « social-souverainiste » du vice-président Florian Philippot. Quand, dans un parti, le vice-président et le secrétaire général se détestent et s’insultent sur les réseaux sociaux, ce n’est pas signe d’un bon fonctionnement ! Les couteaux sont sortis aussi parmi les élus et dans les fédérations.
Le FN ou la crise permanente
Toutefois, il ne faut pas oublier que le FN est en crise pratiquement depuis sa fondation en 1972 et a toujours fonctionné ainsi... Si Philippot semble être tombé en disgrâce auprès de Marine Le Pen (au moins provisoirement), l’aile droite du parti est elle aussi mal en point : départ de Marion Maréchal-Le Pen et perte de sa circonscription, retraite annoncée de Bruno Gollnisch pour 2019 et surtout absence de partenaires à droite. En effet, quoi qu’en disent Robert Ménard et Gilbert Collard, l’espace politique de la « droite hors les murs » est réduit, surtout depuis les défaites électorales de presque tous les députés de l’aile droite des Républicains (Poisson, Mariani, Myard) et les piteux scores des candidats LR issus de Sens commun, tous éliminés.
De plus, l’épisode Dupont-Aignan a montré aux cadres LR qu’un accord avec le FN est un chemin sans retour. Si Laurent Wauquiez peut parfois faire des déclarations proches de celles du FN, son objectif n’est absolument pas de rechercher une alliance mais bien de rééditer la stratégie de Sarkozy en 2007 qui consistait à « siphonner » les électeurs du FN vers LR et à « tuer » le Front. On va d’ailleurs pouvoir mesurer la « porosité » entre les deux partis lors des élections sénatoriales du 24 septembre.
Un électorat de plus en plus populaire
Il s’agit de ne pas surestimer la crise du FN : on est loin d’une scission et les haines entre dirigeants sont d’abord une lutte féroce pour les places avant d’être des désaccords politiques. D’ailleurs, peu d’électeurs FN connaissent ces débats internes. Les presque 11 millions de voix ne disparaitront pas si vite, et les facteurs qui expliquent la force du FN sont toujours à l’œuvre. Marine le Pen reste indéboulonnable et devrait continuer à incarner une synthèse bancale entre ces deux lignes qui lui permettent de « ratisser large » électoralement.
Bien plus grave que le feuilleton des bisbilles, le FN attire un électorat de plus en plus populaire : une étude IPSOS montre que si seuls les ouvriers avaient voté à la présidentielle, elle aurait été élue ! Triste constat : le FN a désormais un fief dans le très populaire Pas-de-Calais où il a obtenu 53 % au second tour de la présidentielle et ensuite quatre députés. Quelle que soit la ligne du FN, la course de vitesse entre Eux et Nous est plus que jamais d’actualité...
Commission nationale antifasciste