Au Front national, on connaît bien ce vieil adage, et on l’applique volontiers en cherchant des donateurs à l’international... Des relations de type financier qui se combinent parfois avec des sympathies politiques ou des parentés idéologiques.
Ainsi lorsqu’en 2014, le FN reçut un crédit à hauteur de neuf millions d’euros par une banque russe (probablement précédé par un contact direct avec le Kremlin, Marine Le Pen s’étant rendue à Moscou), il ne s’agissait pas que d’une pure affaire financière. Les sympathies de la direction du FN pour le régime de Vladimir Poutine étaient et sont toujours de notoriété publique...
Aujourd’hui, les nouveaux « amis » du FN se situent plutôt du côté du golfe Arabo-Persique, et plus exactement aux Émirats arabes unis, une fédération de sept monarchies riches de la rente pétrolière. Selon des révélations publiées par Mediapart, le FN miserait aujourd’hui sur un financement émirati en vue des campagnes électorales de 2017. En effet, le parti d’extrême droite manque encore d’argent : il aurait besoin de 12 millions d’euros, dont seuls quatre à six millions lui seraient d’ores et déjà acquis. Les banques françaises ne semblent toujours pas prêtes à renflouer le FN par des crédits à hauteur de plusieurs millions, ce dont sa direction se plaint amèrement.
Mais l’affaire n’a pas que pécuniaire. Les Émirats auraient, en effet, à la fois rendu politiquement possible et financé le voyage de Marine Le Pen au Caire, voyage réalisé fin mai 2015. La fédération de monarchies est l’un des principaux financiers du régime dirigé par les militaires, arrivé au pouvoir en juillet 2013 suite à l’éviction du gouvernement des Frères musulmans. Marine Le Pen y avait alors rencontré un responsable de l’université d’Al-Azhar, une institution de l’islam sunnite conservateur, et en avait fait grand cas publiquement. Et l’on apprend aujourd’hui qu’elle aurait même rencontré le dictateur, pardon le président Abdelfattah al-Sissi lui-même (dont le régime est responsable de plus de 550 « disparus » en un an selon Amnesty international), ce qui n’avait pas été rendu public à l’époque.
L’Égypte comme modèle répressif
Aux yeux du FN, l’intérêt du régime égyptien réside précisément dans sa répression sans faille, officiellement dirigée contre les islamistes, mais qui se déploie en réalité tous azimuts. Par ailleurs, l’Égypte vient aussi d’adopter en octobre 2016 une loi dure contre l’« émigration illégale ».
À l’instar du secrétaire général Nicolas Bay, les dirigeants du FN justifient ces relations dans les médias, tout en démentant mollement leur dimension financière : « Il y a une différence fondamentale entre le Qatar [pays dont l’influence réelle ou prétendue est vivement dénoncée par le FN] et les Émirats arabes unis. Les Émirats combattent l’islamisme radical, le Qatar soutient et finance les factions islamistes. »
En réalité, le Qatar, les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite partagent tous un même modèle de société, fondé sur un système féodal, l’exploitation de l’immigration de travail (surtout asiatique) et un islam d’État réactionnaire. Mais les trois régimes se livrent une concurrence exacerbée. Il est vrai que le Qatar avait un temps misé sur les Frères musulmans, alors que le régime saoudien soutenait plutôt des courants salafistes, dont plusieurs sont aujourd’hui en Égypte plus proche du régime actuel que de leurs rivaux « fréristes ». Mais les trois pays ont largement soutenu le putsch (de fait) d’al-Sissi en Égypte...
Bertold du Ryon