La France insoumise tenait sa première convention à Clermont-Ferrand les 25 et 26 novembre. La FI affiche l’ambition de « fédérer le peuple, en faire l’acteur principal de toute transformation de notre société, et favoriser son auto-organisation ». Comment cette promesse se traduit-elle dans la première échéance du mouvement, que Jean-Luc Mélenchon qualifie de « passage officiel, incontestable au collectif » ?
En amont du week-end, le collectif n’a pas vraiment été convié. La préparation s’est résumée essentiellement à une somme, certes non négligeable, de clics. Les « insoumis » étaient invités, à travers la plateforme internet, à choisir les campagnes nationales à mener. Les 69 000 votants ont classé en tête « la lutte contre la pauvreté » (30 %) puis puis « l’arrêt des centrales en fin de vie » (26 %) et la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale (25 %). Les « principes » ou la « charte des groupes d’actions » ont suscité moins d’intérêt, respectivement autour de vingt et seize milles votes.
La convention elle-même a réuni 1 600 participantEs, dont 1 200 volontaires tirés au sort.
Qui décide ?
Les échanges du samedi après-midi ont été organisés sous la forme de tables de huit personnes qui ont « cogité » et discuté autour des thèmes des trois campagnes. Les « restitutions » n’ont eu ni comme fonction ni comme résultat de trancher les questions qui pourraient fâcher… Par exemple : au-delà de l’arrêt des centrales anciennes, sortir du nucléaire non seulement civil mais aussi militaire ! Le dimanche matin a été consacré à des ateliers pratiques (porte-à-porte...). Le tout était encadré de longs discours, dont celui de plus d’une heure quinze de Jean-Luc Mélenchon en ouverture (bien qu’il affirme « Je ne suis pas le chef »), et celui de Manuel Bompard en clôture.
Les formes peuvent être innovantes et chaleureuses, elles peuvent être adaptées et utiles pour nourrir la construction collective d’une action militante. Elles sont d’ailleurs empruntées au mouvement social, à des mouvements de résistance et de désobéissance. Mais s’agissant de la construction d’un mouvement, d’une organisation, elles servent de masque à un fonctionnement en réalité très vertical et descendant, à l’absence de débats et de démocratie.
« Un mouvement collectif et transparent » ?
Mauvais procès ? Il suffit pourtant de jeter un œil aux « principes » de la FI. Sous l’affirmation « La France insoumise est un mouvement collectif et transparent », ils actent la « consultation en ligne des insoumis » pour solde de tout débat pour déterminer « ses principales orientations et campagnes ». Exit l’échange d’arguments, la conviction mutuelle et l’élaboration collective… pour ne laisser place qu’à l’approbation (ou non) des propositions de la direction.
La « charte des groupes d’action » (qui remplacent les groupes d’appui de la campagne) promet l’autonomie mais fixe des règles qui les privent de tout pouvoir réel. Le nombre de participantEs ne peut excéder quinze membres, « aucun groupe ou rassemblement de groupes ne peut constituer de structures intermédiaires permanentes », et ils ne disposent d’aucune autonomie financière… On est loin de la « révolution citoyenne » !
Christine Poupin