Le 22 juin dernier s’est ouvert à Paris devant le tribunal correctionnel un procès singulier. Le prévenu n’est pas n’importe qui : François Pérol, l’ancien secrétaire général adjoint à la présidence de la République auprès de Nicolas Sarkozy, président en exercice de la Fédération bancaire française et actuel président du directoire de BPCE, l’un des quatre grands groupes bancaires français...
Parmi les plaignants se trouve Sud BPCE, deuxième organisation syndicale dans la branche des Caisses d’épargne, un syndicat atypique dans le milieu bancaire.
Entre 2002 et 2015, la carrière de François Pérol se caractérise par des allers-retours entre la politique et la finance. Dans ses activités politiques, il s’occupe à chaque fois des dossiers financiers, tout particulièrement du dossier des Caisses d’épargne. C’est le cas en 2007 lorsque Sarkozy le nomme secrétaire adjoint à la présidence de la République et qu’il travaille à la création du Groupe BPCE.
En juillet 2009, Pérol est nommé à la tête des Caisses d’épargne, des Banques populaires et de Natixis. À l’époque, les banques ont besoin d’une aide de 5 milliards d’euros pour reconstituer leurs fonds propres et acceptent la désignation de Pérol par l’Élysée. Or la réglementation interdit le débauchage de fonctionnaires par une entreprise dont ils auraient eu, dans l’exercice de leur fonction, le contrôle ou la surveillance. En cas de doute, il est même prévu la saisine de la commission de déontologie. Or François Pérol s’est affranchi de tout cela et tombe sous le coup de la prise illégale d’intérêts (appelée aussi pantouflage), un délit puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende (article 432-13 du code pénal).
Un parmi d’autres...
Ce procès a permis de lever le voile sur les relations entre le monde de la finance et celui de la politique, de révéler leurs pratiques, leurs intérêts partagés. Ces deux mondes ne font bien qu’un, car Pérol n’est qu’un exemple parmi d’autres de ce mélange des genres, à côté des Macron, Monti, Draghi ou autre Papadémos...
Ainsi, dans un message électronique du 29 mai 2007, Charles Milhaud, à l’époque président du Groupe des Caisses d’épargne, qui vient de passer deux heures avec Pérol confie à l’avocat François Sureau ses impressions sur l’intéressé : « il faudra, à un moment donné, que nous allions le voir. Je le trouve bien disposé… et désireux de favoriser une belle opération stratégique comportant démutualisation totale ou partielle ». Voilà bien le cœur de ce procès : faire abandonner par les Caisses d’épargne leur statut mutualiste et jeter avec l’eau du bain de la démutualisation leurs missions d’intérêt général de protection de l’épargne populaire et de financement du logement social assurées en partenariat avec la CDC. Sureau rapporte que Pérol lui aurait confié qu’« il regrettait que le mutualisme ne stérilise une part trop importante de l’épargne nationale ».
Ainsi, pour faire un clin d’œil à une célèbre série télévisée, Pérol était « l’homme qui valait 5 milliards d’euros ». Lors de son procès, Pérol a essayé de minimiser son rôle et de justifier la non-saisine de la Commission de déontologie. Mais personne n’a pas été dupe et le procès a bien confirmé que Pérol et Guéant, son supérieur hiérarchique de l’époque, se sont affranchis des règles et ont procédé à un « habillage déontologique », pour reprendre les mots du juge d’instruction.
En engageant un action contre François Pérol, Sud BPCE a voulu avant tout défendre un groupe mutualiste menacé dans ses principes mêmes, faire en sorte que la loi qui vaut pour tous s’applique à tous, protéger l’avenir de dizaines de milliers de salariéEs et leur assurer des conditions de travail décentes et conformes à l’éthique qui doit être celle d’un Groupe mutualiste au service de ses clients et non à celui d’une poignée de mercenaires.
Patrick Saurin