Dans la campagne électorale qui vient de s’ouvrir, le FN aimerait apparaître comme « assagi », « modéré »... bref : dédiabolisé !
Alors que Sarkozy avait fait, fin août dernier, une entrée dans la campagne de la primaire LR avec bruit et fracas, au nom de l’« identité française » et en attisant la peur de l’islam, Marine Le Pen jouait sur du velours. Dimanche 11 septembre, sur TF1, à une question visant à savoir si, selon elle, la religion musulmane pouvait « trouver sa place dans la République », elle s’est même payé le luxe de répondre : « Je crois que oui. » Avant d’égrener bien sûr un certain nombre de conditions... Mais l’habit ne fait pas le moine... et le discours ne fait pas de l’héritière d’un parti néofasciste, une démocrate. Encore moins en ce qui concerne ses sbires et partisans.
Coup de force et escroquerie
Ainsi à Hayange, le jeune maire FN Fabien Engelmann a osé fermer le local jusqu’ici attribué au Secours populaire. L’association, qui aide matériellement 800 habitantEs de la commune de Lorraine, avait le tort d’avoir organisé un repas solidaire pour des migrantEs... Un crime politique pour Engelmann, qui accuse du coup l’association de « faire de la politique » et « de la propagande pro-migrants » (sic). Vendredi 30 septembre, des policiers municipaux ont ainsi débarqué au local que l’ancienne municipalité avait alloué au Secours populaire pour en chasser l’association.
Une autre face que le FN aurait mieux aimé garder cachée vient elle aussi de remonter à la surface. Le parti et deux de ses dirigeants, Wallerand de Saint-Just et Jean-François Jalkh (l’actuel trésorier), ainsi que l’un de ses prédécesseurs, ont été renvoyés en procès. Wallerand de Saint-Just est accusé d’abus de bien sociaux, et Jalkh cumule plusieurs chefs d’accusation : escroqueries, abus de confiance et abus de bien sociaux. En cause, la probable entreprise du FN consistant, autour des élections législatives de juin 2012, à obtenir un financement indu et illégal de la part de l’État. Le parti avait monté un système à travers lequel il vendait des « kits de campagne » bien trop chers, la modeste somme de plus de 16 000 euros, à ses propres candidatEs… Cela en vue d’un futur remboursement de leurs frais de campagne par les pouvoirs publics. Au cœur de la machine financière se trouvait Frédéric Chatillon, un ancien du GUD (groupe étudiant d’extrême droite très violent), un ami personnel de Marine Le Pen, mais aussi grand ami du régime syrien. Lui-même est mis en examen dans l’affaire pour plusieurs chefs d’inculpation.
Stratégie de la tension
En attendant, le FN travaille à construire une campagne d’opinion, en lien avec sa pré-campagne électorale, en multipliant les points de tension et de frictions sur tout le territoire français, dans les endroits où le gouvernement souhaite installer provisoirement des migrantEs venus de la « jungle » de Calais qu’il souhaite démanteler. Certes, ces « Centres d’accueil et d’orientation » ne sont prévus que pour trois mois d’hébergement, et au-delà du mois de mars prochain, les migrantEs se retrouveront sans rien, sauf s’ils entrent officiellement dans le cadre de la procédure d’asile. Mais le FN attise les peurs d’une prétendue « invasion », présentée comme aussi dangereuse que durable, partout et particulièrement dans les zones rurales. Le 1er octobre dernier, il mobilisait 150 à 200 manifestants (souvent extérieurs à la commune) dans le village de Saint-Denis-de-Cabanne (1 300 habitantEs) situé dans la Loire.
Le FN fait de l’agitation, quitte à nourrir la violence. Dans la nuit du 4 au 5 octobre, des coups de feu ont ainsi été tirés sur un futur centre d’accueil de migrants à Saint-Brévin (en Loire-Atlantique), et la nuit suivante, contre un autre situé à Saint-Hilaire-du-Rosier (en Isère). Tout un programme...
Bertold du Ryon