Au FN, même lorsqu’on tente de faire « bien » – c’est-à-dire d’apparence démocratique, « dédiabolisé », pas ouvertement fasciste –, ce n’est pas l’esprit de la démocratie qui souffle...
Vendredi 12 juin au soir, la direction actuelle a tenté de clore définitivement l’ère politique du vieux chef, Jean-Marie Le Pen. Celui-ci avait dépassé les bornes en avril dernier, par deux interviews données, à BFM TV puis au journal fasciste Rivarol (torchon pour antisémites obsessionnels), où il avait par exemple professé qu’il n’avait « jamais considéré le maréchal Pétain comme un traître »... Ces propos allaient trop loin du point de vue de la stratégie actuelle de la direction du FN, « dédiabolisation » oblige. Jean-Marie Le Pen a donc été « suspendu » de sa qualité d’adhérent du parti, par un vote le 4 mai. Puis il a été question de lui retirer la « présidence d’honneur » qu’il occupait depuis le congrès de Tours de 2011.
Jean-Marie Le Pen rayé des statutsOr, papy (qui vient de fêter ses 87 ans samedi dernier) fait de la résistance... Non pas celle qu’on écrit avec une majuscule et qu’il n’a jamais trop appréciée, mais celle avec un petit « r », arguant que « seul un autre congrès peut défaire ce qu’un congrès a fait », réclamant haut et fort la tenue d’une telle assemblée officielle. En parallèle, vieux procédurier, il a saisi la justice étatique contre son propre parti, pour contester les mesures prises contre lui. L’audience a eu lieu à Nanterre, le 12 juin, et on connaîtra le jugement le 2 juillet prochain.Le soir de l’audience, la direction du parti votait, elle, sur un changement des statuts, supprimant au passage de façon définitive la désormais célèbre « présidence d’honneur ». Mais le poisson était noyé dans un flot d’amendements aux statuts, dans lesquels plus d’un article sur deux est aujourd’hui modifié, même si les changements sont souvent de pure forme.Puisqu’il avait été question de la tenue d’un congrès, la direction a finalement cédé sur ce point : les adhérents voteront bien... lors d’un congrès virtuel, sous forme d’un référendum par voie postale ou (la plupart du temps) électronique en juillet. Mieux : le vote, qui se fera ainsi souvent par Internet, portera sur les modifications statutaires en bloc. Un vrai plébiscite, et un bel exemple de « démocratie vivante ». Lorsqu’on a décidé de « faire démocratique », tout le parti applique la consigne comme un seul homme (ou une seule femme). Et gare si une seule tête dépasse !
Vous avez dit démocratie ?Le FN reste donc bel et bien le même sur le fond, puisque la démocratie interne a toujours été assez « formelle »... Certes, le FN a effectué à plusieurs reprises des changements d’orientation majeurs (par exemple au tournant des années 1980-1990 : de l’ultralibéralisme reaganien vers une démagogie sociale prononcée), ou plus mineurs (ainsi en 2010, en abandonnant son vieux programme en matière de retraites – ouvertement antisocial – au profit d’un discours se voulant à sensibilité plus sociale). Ces changements de cap font même parfois débat dans ses rangs : ainsi, une partie de l’appareil conteste ouvertement aujourd’hui l’orientation en matière de retraite adoptée en 2010. Or, aucun changement d’orientation, strictement aucun, n’a été adopté ou même débattu en congrès...Par ailleurs, la mise à l’écart du « vieux » a visiblement constitué une condition pour la constitution, désormais réussie, d’un nouveau groupe au Parlement européen autour du FN. Intitulé « Europe des nations et des libertés », celui-ci a été officiellement fondé le 16 juin dernier.
Bertold du Ryon