Publié le Samedi 5 janvier 2019 à 11h36.

À Gauche(s) : Annus Horribilis

Retour sur l’année 2018, qui a confirmé la décomposition, voire la disparition du Parti socialiste, mais aussi l’impossibilité à la gauche du PS d’occuper l’espace vacant. Et ce ne sont pas les élections européennes qui vont améliorer la situation.

Selon un sondage IFOP récemment publié dans le Journal du Dimanche, si le premier tour de l’élection présidentielle avait lieu aujourd’hui, Macron ferait mieux qu’en 2017, tout comme Marine Le Pen qui passerait en tête. En revanche, ce qui ne changerait pas, ce serait le score du candidat du Parti socialiste quel qu’il soit. Quant à Mélenchon, il reculerait de cinq points. Ce sondage est sans aucun doute, malgré les limites de l’exercice, révélateur de la décomposition, qui n’en finit pas, du Parti socialiste, mais aussi de l’état de la gauche radicale. 

En voie d’extinction ? 

Le 12 octobre 2018 a marqué une nouvelle étape dans l’agonie du Parti socialiste. C’est en effet à cette date que le PS a quitté définitivement son siège de la rue de Solférino, où le parti était installé depuis 1980. Symboliquement, ce départ marque son éloignement durable du pouvoir. C’est à la même date qu’Emmanuel Maurel, représentant de l’aile gauche du parti, a annoncé son départ ; il s’est, depuis, rapproché de La France insoumise. Tellement rapproché qu’il est en position éligible aux prochaines européennes. Mais cette rupture ne fut pas la première : avant lui, il y avait eu Valls, Hamon et des centaines d’autres éluEs. Sans oublier l’hémorragie militante. En effet, lors du dernier congrès d’Aubervilliers en avril 2018, ce sont 37 000 adhérentEs qui ont participé au vote, alors qu’ils et elles étaient plus de 71 000 au congrès de Poitiers en juin 2015 et 132 000 au congrès de Reims en 2008… Olivier Faure n’a pas, contrairement à ce qu’il espérait lors de son élection comme premier secrétaire, réussit cette année à « relever la tête », bien au contraire. Depuis son arrivée à la tête du PS, il se bat en vain pour ressusciter la mortifère union de la gauche et demeure invisible, totalement inaudible sur le fond, laissant ainsi l’espace en interne à deux anciens éléphants : François Hollande et Ségolène Royal… Ce qui tend à prouver qu’aucune leçon n’a été tirée…

L’année 2018 n’aura pas non plus été des plus clémente pour le Parti communiste  Elle marque la fin, en eau de boudin, du Front de gauche, et la difficulté du parti à rebondir et à enrayer un déclin engagé depuis maintenant plusieurs décennies. Lors de leur 38e congrès, qui s’est tenu en novembre dernier, les communistes ont renoué ainsi avec leur stratégie d’alliances à géométrie variable en vue, entre autres, des prochaines municipales, mais en privilégiant le PS qui pourrait leur permettre ainsi de garder quelques communes. La nouvelle orientation adoptée est loin d’être porteuse d’une véritable alternative stratégique et théorique. Pire, le rapprochement avec le PS d’Olivier Faure ne permettra pas d’en finir avec le processus de marginalisation du PCF. Bien au contraire, cela risque même de l’accélérer. 

J’me voyais déjà

Depuis l’élection de Macron, Mélenchon se pense et se veut, à lui seul, l’opposition politique de gauche, le seul combattant politique contre Macron, dont le rôle serait d’appeler « les gens » à se rassembler autour de lui. Mais l’année n’aura pas été un long fleuve tranquille pour Mélenchon et La France insoumise, loin s’en faut. C’est ainsi que l’appel aux « gens » à se rassembler autour de Jean-Luc Mélenchon, et de lui seul, le 23 septembre 2017 contre le « coup d’État social » de Macron, se solda par un bilan fort mitigé, et que l’appel à des « casserolades » et à une manifestation de « une million de personnes sur les Champs-Élysées » fut mis entre parenthèses. Un an plus tard, l’épisode des perquisitions d’octobre 2018, où Mélenchon a choisi « le bruit et la fureur », l’a fait apparaître hors de contrôle, très loin du « candidat du peuple » qu’il affirme être. Une séquence au cours de laquelle il témoigna de son mépris pour l’accent d’une journaliste toulousaine, contre les « abrutis de Radio France », avec en outre une campagne haineuse contre Mediapart… Une séquence politique désastreuse pour La France insoumise, et en particulier pour son leader, qui a depuis bien du mal à retrouver une certaine crédibilité et adhésion au moment même où une crise sociale et politique de grande ampleur a lieu. Mais comme à son habitude, Mélenchon ramène tout à lui en indiquant que « les trois quarts » des revendications des Gilets jaunes sont dans son programme. On ne se refait pas ! 

2019 : à l’épreuve des urnes 

L’année qui vient risque d’être celle de tous les dangers pour la gauche institutionnelle. En effet, c’est celle des élections européennes, premier scrutin à caractère national depuis l’arrivée de Macron au pouvoir. Et on peut le dire : ils sont tous sur les starting-blocks… et dans les tractations. Une fois encore, l’unité de la gauche (sans contenu politique) est remise sur le devant de la scène, que ce soit par les éditorialistes bien-pensants ou par un certain nombre de leaders. Et comme toujours, les mêmes vieilles recettes sont avancées : l’union de la gauche permettrait d’être un rempart à Macron, mais aussi et avant tout au Rassemblement national. C’est le discours, par exemple, d’Olivier Faure du PS, de Benoît Hamon mais aussi de Raphaël Glucksmann qui vient de créer un nouveau mouvement, « Place publique ». Tous rêvent de rassembler toute la gauche et les écologistes hormis La France insoumise… pour occuper de nouveau l’espace. C’est dans cette optique que Ségolène Royal a proposé à Yannick Jadot une liste commune, sur laquelle elle aurait été placée en seconde position, mais ce dernier lui a émis une fin de non recevoir en affirmant que « ce n’est pas la nostalgie qui va nous sauver ». Le PCF, quant a lui, même s’il a une tête de liste depuis un certain temps, s’essaye lui aussi à l’unité, avec les… Gilets jaunes. Seule La France insoumise semble être prête à ces prochaines élections, malgré là aussi de nombreux couacs internes. Mais cela sera-t-il suffisant pour être, comme ils l’espèrent, la seule opposition à Macron ? Et surtout, cela permettra-t-il d’avancer dans la construction d’une opposition radicale et unitaire à ­l’offensive capitaliste ? Rien n’est moins sûr. 

Joséphine Simplon