Beaucoup de bruit pour rien ? Il aura fallu près d’un mois pour que la nomination d’Attal, ce mini-Macron, soit suivie en deux temps du déploiement de son état-major complet. 35 ministres, ministres délégué·es et secrétaires d’État, pur produit de la macronie à la feuille de route on ne peut plus claire…
Ce pouvoir n’a plus aucun oxygène. Sur la forme, un grand jeu de chaises musicales, où l’enjeu était avant tout de recaser les ministres les plus fidèles afin de les récompenser. Si certain·es sont resté·es à leur place, les véritables hommes de main du gang macroniste (Darmanin, Lemaire, Dupont-Moretti, Thomas Cazenave…), d’autres poursuivent leur tour des ministères : Agnès Pannier-Runacher (passée de l’énergie à l’agriculture), Franck Riester (revenu au commerce extérieur), Aurore Bergé (passée des solidarités à l’égalité hommes-femmes), Patrice Vergriete (passé du logement aux transports), Sarah El Haïry (passée par la jeunesse, puis la biodiversité, aujourd’hui nommée à l’enfance, à la jeunesse et aux familles…).
Un personnel interchangeable entièrement dédié à la mise en musique d’une feuille de route marquée par une ligne dure. Après le discours vieillot et réac d’Attal à l’Assemblée nationale mardi 30 janvier, c’est ainsi qu’il faut aussi comprendre la nomination de Guillaume Kasbarian au logement. Alors député, c’est lui qui a fait voter en avril dernier la loi dite « anti-squat » (avec les voix de l’extrême droite), une loi critiquée par les associations et la Défenseure des droits et même condamnée par l’ONU…
Signes extérieurs de crise politique
Le remplacement de Borne par Attal à Matignon marque la tentative de Macron de reprendre la main, dans un contexte toujours marqué par une crise politique inédite dont un nouveau seuil avait été franchi lors des législatives de juin 2022. Signe des temps, une partie de ce qui pourrait constituer sa base sociale affiche des signes de mécontentement et le fait savoir, que ce soit récemment les agro-industriels ou même les chauffeurs de taxi… À défaut d’assise sociale solide, le pouvoir actuel est donc condamné à trouver un socle à droite toute pour asseoir son leadership, en se tournant – comme il a su le faire pour la loi immigration intégration asile en décembre – vers la droite et l’extrême droite.
De façon certes déformée et avec des préoccupations d’agenda personnel qui lui sont propres, c’est certainement ce coup de barre à droite qui a amené Bayrou, ce fidèle appui depuis 2017, à prendre ses distances. « Sans accord profond sur la politique à suivre », Bayrou rate donc le train gouvernemental (nous nous en remettrons…), mais alerte aussi à sa façon sur l’accélération de l’agenda libéral et autoritaire qui ne laisse plus d’espace au centrisme bon teint. Nous voilà prévenu·es.
Elle avait beau refuser d’être « le symbole d’une caste privilégiée à combattre », Amélie Oudéa-Castéra, prise en flagrant délit de « séparatisme scolaire », a dû quitter le ministère de l’Éducation nationale. Scolarisation de ses enfants au collège privé Stanislas, mensonge sur l’absentéisme présumé de l’ancienne enseignante de son fils, contournement de Parcoursup, rapport parlementaire critiquant ses émoluments passés, jusqu’à la démission du recteur de Paris… Une séquence qui a fragilisé le lancement du gouvernement Attal, tout autant qu’elle a donné un coup de projecteur sur la nature profonde du pouvoir, tout entier exercé par des riches au seul service des riches…
Se préparer au(x) combat(s)
Dans le contexte d’une instabilité qui exacerbe les antagonismes à l’échelle internationale et la concurrence entre capitalistes, les politiques austéritaires sont à l’agenda des classes dirigeantes. Dès lors, il ne fait aucun doute que Macron, Attal, Darmanin, Kasbarian… pour ne citer qu’eux vont reprendre l’offensive très rapidement. « Il n’y aura aucun temps mort pour l’action », a dit Attal…
Nous sommes donc au moment de la bifurcation. Soit l’offensive du bloc bourgeois reste, ici comme ailleurs, sans réponse, ce qui entraîne un risque réel de basculement vers un État durablement antisocial et autoritaire, un outil mûr pour être exercé par un pouvoir fascisant destiné à laminer notre camp social. Soit la violence de cette offensive ouvre en réponse un cycle de contestation, aux formes peut-être inédites comme on l’a vu ces dernières années, mais qui sont autant de brèches possibles pour nourrir un projet politique en rupture avec l’ordre dominant.
C’est la seule carte que nous pouvons jouer, sans vision préétablie des résistances qui peuvent nourrir cette riposte. Contestation de la mise en application de la loi Darmanin, refus de la mise en œuvre du dit « choc des savoirs » dans les établissements scolaires, combat contre la suppression de la loi SRU sur la mixité résidentielle, luttes contre la hausse des prix et pour l’augmentation des revenus… et le reste, toujours imprévisible. L’étincelle reste à allumer ces prochaines semaines, ces prochains mois.