Ouvert depuis la mi-janvier, et prévu pour s’achever mi-mars, le « Grand débat » tient toutes ses promesses : une opération de diversion/communication organisée par la Macronie, qui fait mine d’entendre les questions posées par la mobilisation des Gilets jaunes… tout en prétendant y apporter ses propres réponses. Et le moins que l’on puisse dire est que la manœuvre ne fait guère illusion…
« Des décisions très profondes dans différents champs » : voilà ce qu’a annoncé Macron à la fin du mois de janvier. Autant dire : du blabla et des mauvais coups en préparation. Et depuis, nombre de « ballons d’essai » ont été lancés par des parlementaires et des membres du gouvernement, qui donnent une idée de ce qui trotte dans la tête de la Macronie : l’impôt universel sur le revenu (Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires), des contreparties aux aides sociales (Édouard Philippe, Premier ministre), le retour de la taxe carbone (députés LREM), un référendum autour de questions institutionnelles (divers membres de la majorité), etc. Autant de « propositions » dont le seul point commun est d’être complètement à côté de la plaque si l’on observe les aspirations du mouvement des Gilets jaunes, et même, pour certaines d’entre elles de vouloir s’en prendre encore un peu plus aux classes populaires…
Macron n’est pas au bout de ses peines
Les enquêtes d’opinion indiquent en tout cas, malgré toutes les précautions qui s’imposent, que la grande majorité de la population ne s’y trompe pas. Une enquête Viavoice pour Libération, publiée le 4 mars, révèle ainsi que pas moins de 65 % des sondéEs considèrent que Macron « ne semble toujours pas comprendre la gravité de la crise politique et sociale actuelle ». Plus significatif encore, seulEs 9 % des sondéEs affirment que le président et son gouvernement « doivent garder le cap de leur politique économique et sociale et des réformes prévues avant la crise des Gilets jaunes », contre 58 % qui déclarent que le pouvoir doit « modifier largement [sa] politique économique et sociale » et 25 % qu’il doit « infléchir [sa] politique économique et sociale tout en gardant les grandes lignes ». Autant dire que le mouvement des Gilets jaunes a eu, et continue d’avoir un impact majeur sur la situation politique et sociale, et que Macron et son gouvernement ne sont pas au bout de leurs peines…
La Macronie aura beau brandir des chiffres concernant le nombre de réunions publiques ou le nombre de « contributions » au Grand débat, elle n’a de toute évidence pas repris la main. S’il ne s’agit pas de sous-estimer les points forts de Macron, qui avaient fait son succès lors de la présidentielle, force est de constater que les initiatives du « Grand débat » elles-mêmes sont souvent l’expression de fortes critiques de sa politique, qu’il ne pourra pas atténuer à coups de « petites phrases » ou de promesses floues. Ainsi, la situation catastrophique des « petites retraites », la disparition des services publics, et notamment du service public hospitalier, la question des violences policières, etc., se sont régulièrement invitées dans les initiatives de la majorité, y compris lorsque Macron était présent, un phénomène révélateur de la volonté de ne pas se laisser enfermer dans des discussions/diversions et de venir défier directement le pouvoir.
Il ne fait guère de doute que, malgré son sens du spectacle et de l’embrouille, le gouvernement va être bien en peine de trouver une sortie par le haut à la fin du Grand débat et d’éteindre l’incendie. « Notre débat à nous a commencé dès la mi-novembre, et rien de ce que nous avons proposé n’a été entendu » : cet extrait de l’un des appels à se mobiliser massivement à Paris le samedi 16 mars est à l’image de l’indignation et de la détermination maintenues dans le mouvement des Gilets jaunes. Ce dont nous ne pouvons que nous féliciter.
Julien Salingue