Publié le Vendredi 12 décembre 2008 à 20h13.

Inculpés de Tarnac : dérives sécuritaires

Emblématique, l’arrestation du « groupe de Tarnac » fait penser à d’autres montages, comme l’affaire des Irlandais de Vincennes. Entretien avec Éric Hazan, éditeur de « L’Insurrection qui vient » signé d’un Comité invisible, et auteur d’une pétition en défense des inculpés.

● Sur quoi repose l’accusation contre les jeunes de Tarnac ?

Éric Hazan – Ce qui est intéressant dans ce montage politico-médiatico-policier, c’est la façon dont la quasi-totalité des médias a repris les déclarations de la police, sans beaucoup d’états d’âme. Si les journalistes des rubriques « Société » mettent en doute les infos de la police, ils se coupent de leur source. Ils sont, comme la presse en Irak, tellement unbedded (« embarqués »), qu’ils adoptent presque naturellement le point de vue de la police. Cela a duré presque une semaine. Dans un second temps seulement, est advenu le malaise général. L’accusation repose sur quoi ? Un témoignage anonyme sous X ? Le témoin a disparu. Des éléments très compromettants trouvés dans les perquisitions ? Des horaires de chemins de fer, une lampe frontale, une échelle déclarée matériel d’escalade et, même, rendez-vous compte, des livres qui critiquent la société dans laquelle on vit ! Et cette histoire de filature : un GPS placé sous la voiture de Julien Coupat, et la police perd le contact juste au moment du sabotage, ne permettant pas le flagrant délit. L’accusation a alors commencé à sombrer dans le ridicule. L’installation à Tarnac (Corrèze), prétendue base arrière du commando terroriste ? Difficile de présenter l’ouverture d’une épicerie de village comme une opération de couverture. La volonté du groupe de nouer d’autres relations avec la société s’est réalisée. Les habitants ont spontanément créé un comité de soutien en disant : « Ces jeunes, on les connaît, ils apportent ici la jeunesse, la vie, l’enthousiasme. » Ceux qui voyaient Tarnac comme le cœur de la circonscription de Chirac ont oublié que c’est une terre de résistance, Georges Guingouin et Armand Gatti ne sont pas loin. Alors, après l’appel des « personnalités », paru dans Le Monde et demandant l’arrêt des poursuites et la libération des inculpés, les médias virent de bord.

● Et maintenant ?

É. Hazan –

Sur les neufs arrêtés, quatre, puis trois autres, ont été libérés sous contrôle judiciaire. Mais Julien Coupat et Yldune, sa compagne, sont toujours détenus. Julien est, depuis le début, présenté comme le chef, l’ennemi numéro un, le gourou charismatique d’une secte violente. Je le connais depuis bientôt dix ans, c’est complètement absurde. Ce garçon doux et charmant récuse la notion même de chef et s’est toujours battu contre, l’idée de secte étant celle qui lui est la plus étrangère. Mais l’appareil d’État ne pouvait se déjuger complètement. Cette affaire ne doit pas s’engluer dans le silence de la trêve des confiseurs. Nous devons, bruyamment, collectivement, exiger la libération de Julien et Yldune, et l’arrêt des poursuites.